Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/815

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accompagnés. La Pologne aura encore, dans cet exode, au milieu d’épreuves nouvelles, montré sa vitalité, attesté sa volonté de renaître. A Moscou, l’élite polonaise, qui entretient la tradition et le feu sacré de la nationalité, a reconstitué ses œuvres, réouvert ses cercles, où le Français de passage est toujours cordialement reçu. Aux vœux et aux espérances des Polonais, que fortifient les déclarations de l’empereur Nicolas II, le voyageur français, en 1916, peut répondre que jamais, depuis les partages, l’horizon de la Pologne n’a été si clair. La Prusse elle-même n’a-t-elle pas rompu le vieux pacte des trois Cours qui, si longtemps, avait réduit à l’impuissance le bon vouloir de la Russie ? C’est pourquoi l’avenir de la nationalité polonaise se trouve lié à la défaite du germanisme et à la victoire des Alliés.


La guerre a produit à peu près les mêmes effets chez tous les peuples qu’a surpris l’agression de l’Allemagne. Menacés dans leur indépendance et dans leur être, ils se sont repliés sur eux-mêmes. Ils ont soumis à un sévère examen leurs idées anciennes. Ils ont attaché plus de valeur à leurs intérêts nationaux. La Russie n’a pas échappé à cette règle. La guerre, en particulier, a éveillé son attention sur les dangers que la pénétration et la colonisation allemandes présentaient à l’intérieur. De là sont parties les campagnes d’épuration du Novoie Vremia, qui, à la Douma, ont trouvé leur écho. Quant au dehors, la Russie s’est mise à désirer une politique active et positive, propre à lui apporter les réalisations que les efforts et les sacrifices qu’elle a faits dans la guerre lui permettent d’espérer.

Ici encore, il est bien remarquable que le programme maximum de la politique étrangère russe soit le plus souvent présenté par les élémens libéraux. M. Milioukof, par exemple, qui est, pour les questions extérieures, le spécialiste le plus distingué et le porte-parole ordinaire des partis de gauche, a témoigné, en plusieurs occasions, ses tendances à une sorte d’impérialisme radical. Sur maints sujets, ses idées paraissent aller beaucoup plus loin que celles du gouvernement russe, telles que les exprimait en particulier M. Sazonof. à y a là, pour l’historien, quelque chose d’assez semblable au nationalisme qui se développait dans le libéralisme français sous la monarchie de Juillet et en opposition avec elle.