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La Chambre est convoquée à Versailles pour le lundi 20.

Nous allons donc être réunis tous ensemble et nous soutenir les uns les autres. Je n’ai pas besoin de vous dire combien ce sera une chose douce à mon amitié et tranquillisante pour ma sollicitude qui est continuelle. Pour moi, je partirai lundi et serai mardi matin à Versailles, où il faut que j’aille avant tout, pour voir les apprêts qui se font. Si vous pouvez y venir, ce sera fort commode pour moi. Sinon, j’irai vous voir et vous réunir en conseil dans le courant de l’après-midi !…

Neuf heures, samedi.

Je reçois votre dépêche d’hier deux heures trente minutes et je me hâte d’y répondre… Pour la Conférence, je n’ai pas grand goût à des démonstrations mal écoutées ou pas écoutées du tout et n’étant suivies d’aucun effet. Elles irritent M. de Bismarck sans l’arrêter et elles sont plus nuisibles qu’utiles. Obtenons l’évacuation, celle de la droite de la Seine jusqu’à la frontière de l’Est (en faisant le premier paiement) et puis, quand nous n’aurons plus le pied de l’ennemi sur la gorge, alors nous verrons. Pour le moment, veillons surtout à l’évacuation et ne la retardons pas par des démonstrations inefficaces à Londres. Nous n’obtiendrons aucun appui réel des neutres, parce que, délivrés de la guerre, ils auraient une affreuse peur de la voir renaître. Du reste, nous nous entretiendrons de tout cela à Versailles ou à Paris…

Quant à la situation de Paris, je suis toujours d’avis de ne rien brusquer, persuadé que je suis, que la patience et le ridicule ont grande chance de triompher de toutes ces résistances. Au surplus, la Chambre en arrivant vous amènera 10 000 hommes excellens, et ce sera un nouvel argument ajouté à beaucoup d’autres.

Adieu, mon bien cher ami, à mardi ; je me fais une vraie joie de vous revoir cette fois pour ne plus vous quitter.

A. Thiers.