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en supposant qu’ils aient pu achever en temps utile les cuirassés prévus au programme de 1914, on ne trouve sur leur liste que 21 dreadnoughts. Or, il semble, d’après des renseignemens concordans, qu’ils se soient présentés au combat avec 24 unités au moins.

Pour mettre en ligne un même nombre de puissans dreadnoughts, l’Angleterre n’avait pas besoin de faire appel aux beaux cuirassés de 1906-1907-1908-1909, qui n’ont que des pièces de 305, au nombre de 10. Elle pouvait se contenter des bâtimens qui, depuis 1910, sont armés de 10 canons de 343 et, depuis 1913, de 8 canons de 381 millimètres. Ayant cédé quatre de ces derniers à l’amiral Beatty (les quatre Warspite), l’amiral Jellicoë était encore en état d’amener sur le champ de bataille 18 ou 20 cuirassés appartenant à la classe des superdreadnoughts et tels qu’il n’y en a dans les autres marines de premier ordre qu’en nombre très restreint. Toutefois, comme nos alliés connaissent fort bien la valeur du facteur nombre, dès qu’on en arrive aux mains, je suppose que le commandant en chef anglais avait avec lui quelques Neptune et quelques Saint-Vincent. Un doute subsiste néanmoins pour qui remarque que l’amirauté britannique parle toujours de nombre inférieur dans les récits succincts de la bataille.

Il importe assez peu, d’ailleurs, puisque l’intention du commandant en chef allemand n’était certainement pas de s’engager à fond. Ecraser l’escadre Beatty, isolée pendant plusieurs heures, suffisait parfaitement à sa gloire. Et cette gloire, un peu vaine, car même un succès complet sur les croiseurs de combat britanniques n’eût pas modifié sensiblement le rapport des forces navales, lui aurait pourtant été acquise, s’il avait pu se retirer du combat assez tôt et n’éprouver point lui-même des pertes très sérieuses.


On distingue assez volontiers cinq phases dans cette action confuse qui se déroula depuis trois heures et demie de l’après-midi du 31 mai jusqu’aux premières lueurs de l’aube du 1er juin.

Dans la première de ces phases, les deux avant-gardes seules sont aux prises avec des forces qui se balancent. Pour la seconde, un point fort important reste douteux : comme le vice-amiral Beatty avait devancé, avec ses rapides croiseurs de combat