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couverts de poussière, panser les plaies encore sanguinolentes ou qui suppuraient, consoler les enfans en larmes, rassembler les membres d’une même famille dispersés par l’exode général. C’est dans ce moment critique que se révélèrent des aptitudes et des vocations auxquelles on ne se serait certes pas attendu en temps normal.

Plus de 20 322 familles ont été hospitalisées, sans parler des 10 000 premiers et en prenant une moyenne de quatre personnes par famille, on peut dire qu’une centaine de mille réfugiés au moins ont séjourné au Cirque de Paris. Grâce à la charité inépuisable de la paroisse et du quartier, des milliers de repas ont été servis, des vêtemens innombrables distribués, des secours considérables donnés. L’exode des réfugiés a cessé, Dieu merci, mais le service médical, le service du placement des ouvriers agricoles et industriels, des ouvrières, des domestiques ne s’est pas ralenti, pas davantage n’ont chômé les colonies de vacances, de convalescence, le service de secours aux vieillards. La pouponnière reçoit de nombreuses visites quotidiennes, mais l’ensemble a changé d’aspect : à une maison de souffrances s’est substituée une ruche active et sereine où l’on vient chercher du réconfort, un soutien moral, une aide matérielle, donnés avec une bonne grâce, une amabilité qui en doublent le prix.

Parallèlement au Cirque de Paris, on installait dans le cinéma Raspail près de deux mille femmes et enfans, mais c’était là un asile provisoire, car à deux pas se trouvaient les bâtimens de l’ancien séminaire de Saint-Sulpice qui déjà en 1910 avaient servi de refuges aux inondés. Un officier de paix du cinquième district [1] s’intéressa à ces malheureux, il sut communiquer son émotion à M. Barthou et ainsi fut fondé l’œuvre du Secours de guerre. Comme subsides initiaux, les gardiens de la paix des XIe et XIVe arrondissemens, stimulés par leur chef, fournirent 800 francs à raison de vingt sous par tête ; mais ils s’engageaient de plus à consacrer leurs heures de repos à la mise en état des locaux, chacun maniant l’outil dont il savait le mieux se servir. On a évalué leur travail à la somme rondelette de 100 000 francs.

Les réfugiés de Liège et de Namur n’étaient encore qu’un

  1. M. Peltier.