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dit un officier, « comme une fête » ces reprises partielles et locales d’offensive. On arrêtait l’Allemand, on le refoulait, puis, débarrassé de lui pour quarante-huit heures, on gagnait du terrain vers le but que, suivant, dans le mystère de son cabinet, avec une constante attention, les incidens du repli, le généralissime lui avait, dans son esprit, assigné. Ainsi, les troupes de Maunoury ayant atteint les environs immédiats de Paris et s’adossant à la grande ville, les autres, dans les premiers jours de septembre, franchissaient l’Aisne, franchissaient la Marne dont les ponts étaient méthodiquement détruits derrière eux, tandis que, combattant parfois, Langle de Cary et Sarrail reculaient lentement vers le Barrois. « La splendide retraite, » devait écrire sir John French.

Le 30 août, Klück s’était trouvé en face de Paris : à Chantilly, il n’en était plus qu’à neuf lieues. La grande ville dont Galliéni, en termes concis passés à l’histoire, avait encore affermi le cœur, mais que le gouvernement allait quitter, attendait dans un calme, dont toute nervosité n’était pas exclue, l’armée des Barbares, — comme aux jours lointains où Geneviève de Nanterre apaisait les esprits des gens de Lutèce menacés par les Huns d’Attila.

Mais, dès le 3, il parut bien que Klück, infléchissant sa marche vers Meaux et Coulommiers, laissait de côté, — provisoirement, — Paris. On a dit qu’il appliquait en cela la doctrine de Moltke : « Battre et rejeter les Français au delà de la Marne, de l’Yonne, de la Loire, — et alors seulement marcher sur Paris. » Était-il besoin de cet ordre d’outre-tombe ? Klück fùt-il entré sans combat dans Paris, — et Maunoury lui en barrait la route, — que c’eût été grande aventure. C’eût été une magnifique force perdue au moment où il allait être démontré que, toutes ses forces étant réunies, l’armée allemande ne pouvait résister à une offensive française. Qu’eût valu devant nos troupes, d’autant plus facilement victorieuses, l’armée Klück empêtrée dans sa conquête et probablement ivre de tout autre chose encore que d’orgueil ?

Quoi qu’il en soit, Klück se dirigeait sur la Marne avec l’idée très nette qu’il allait se jeter sur notre gauche, — armée anglaise et Espérey, — et, l’enveloppant, tourner toute l’armée française. C’était une manœuvre très indiquée et qui s’imposait à ce stratège, — s’il n’avait eu Maunoury sur son flanc droit.