Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/407

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA
LUTTE POUR L’ADRIATIQUE

Lorsqu’on jette un regard, même superficiel et rapide, sur une carte de la mer Adriatique, un fait frappe l’attention tout d’abord. C’est le contraste profond qui distingue, dans leur structure physique, la côte occidentale italienne et le rivage oriental, celui de l’Istrie et de la Dalmatie autrichiennes, du Monténégro et de l’Albanie.

A l’Ouest, depuis le cap de Leuca jusqu’aux lagunes vénitiennes, la côte, si l’on fait abstraction de l’éperon du Monte-Gargano, est droite, basse, sablonneuse, sans échancrures, sans ports vraiment protégés. De Brindisi, à qui sa position sur le canal d’Otrante donne une importance stratégique, mais qui n’en demeure pas moins un port de second ou de troisième ordre, jusqu’à Venise, qui n’a retrouvé en ces dernières années que l’ombre de sa grandeur maritime passée, l’Italie n’a pas un abri où sa flotte de guerre puisse trouver une base d’opérations ou un refuge. Bari et Ancône sont des ports de commerce de valeur secondaire, Rimini une plage à la mode, Ravenne une ville continentale, qu’un canal étroit relie à l’avant-port insignifiant de Porto-Corsini. Et ainsi, tandis que l’histoire inspire à l’Italie l’ambition grandiose de la maîtrise de l’Adriatique, il semble que la nature lui ait presque refusé les moyens de la réaliser.

Regardez au contraire le rivage oriental. C’est une côte montagneuse, accidentée, découpée, où des fiords profonds pénètrent fort loin dans l’intérieur des terres, et en avant de laquelle l’archipel des îles dalmates tend, depuis le fond du