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leuses, cette barricade rendit quelques services, et les tirailleurs qui s’y étaient retranchés firent d’assez bonne besogne, de l’aveu même d’un des ennemis chargés d’emporter la position, L…, qui, dès qu’il le put, se jeta dans la cave du prieuré. Malgré les volées de 75 qui balayaient « Chenaille, les Usages, Voisy, la côte de Saint-Prix, » les Allemands « descendaient, espacés, les pentes des vignes. » M. Roland, du fond de son hypogée, suivait à la jumelle tous leurs mouvemens : « Derrière les maisons du village, les hommes d’infanterie fourmillent… Des pièces viennent s’installer contre les enclos et les jardins. » Peu après, « on voit s’avancer [les hommes] vers le marais par le ruisseau du Boron. » La canicule avait tari le ruisseau, dont le lit, assez profond, offrait un bon défilement à l’ennemi. « Nous rampions comme des serpens et au feu de l’artillerie, écrivait quelque temps après L…, à M. l’abbé Millard. Nous voilà enfin arrivés à l’abbaye devant votre maison, où se trouvait une embuscade. Aussitôt, les Sénégalais nous tiraillent ; nous tombons comme des mouches. Les Allemands crient : « Baïonnette au canon ! » puis avancent rapidement. Quant à moi, je m’étais réfugié dans la cave du bout, tout à i’arrière de la maison. » Il y resta jusqu’à huit heures du soir. Dans l’intervalle, la barricade avait cédé ; Reuves était tombée aux mains de l’ennemi. Mais à Oyes, qui flambait, on se battait encore dans la nuit, aux lueurs des brasiers. Derniers sursauts d’une résistance à bout de souffle ! La brigade Blondlat, à droite, reculait sur Allemant ; les tirailleurs du colonel Gros et du colonel Geller, à gauche, étaient ramenés assez rudement vers Montalard, dont ne les séparait plus que la coulée du ruisseau. L’ennemi poussait dans la nuit son avance « à 1 500 mètres du village » et se retranchait dans les chaumes, où il attendait la pointe du jour pour reprendre son élan.

Il semble que tout soit dit. Mais Humbert, digne second de l’inébranlable Foch, veut qu’on tienne quand même, qu’on s’accroche à tous les plis du terrain ; il ne permet pas à son artillerie, prise sous des feux violens, de chercher des positions à l’arrière. Dubois, de son côté, avec le 77e, travaille à réparer la brèche ouverte dans sa ligne par la dislocation du 32e et du 66e d’infanterie, que le 11e corps a entraînés dans sa débâcle : l’héroïsme du sergent-major Guerre, ralliant dans un boqueteau 200 hommes, les formant en carré et disant : « Ce sera le carré