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von Hausen. « Le soir du 9, écrit le sous-lieutenant M…[1] nous étions à Linthes, et je fus placé en grand’garde avec ma compagnie pour y protéger le débarquement de la 42e division, qui arrivait à la rescousse. Il n’était que temps. Le lendemain nous nous portions en avant et, à notre grande surprise, nous constations que les Allemands n’étaient plus là. C’était le 10 au matin. »

Devant Mondement même et Saint-Prix, les voies étaient dégagées. Jusqu’au matin du 10, elles avaient été remplies par des défilés de troupes dont la sourde cadence martelait le silence nocturne. Les habitans réfugiés dans les grottes ne savaient comment interpréter ces évolutions. « Les troupes passent, écrit M. Roland. Vont-elles ou reviennent-elles ? On ne sait. Les bâtimens du château de Mondement flambent. Une maison brûle dans la direction de Broussy ; des lueurs d’incendie partout, à Villeneuve, Royes, Reuves, etc. Le canon français lance encore quelques obus à intervalles plus espacés, puis tout retombe dans le silence de la nuit… Le lendemain, à cinq heures et demie, au jour, même silence. » Et, comme ce silence continue, nos troglodytes finissent par risquer un œil au dehors. Justement voici le petit vacher qui les ravitaille chaque matin. Ils l’interrogent avidement : l’enfant leur confirme qu’il n’y a plus de Boches « à l’horizon. » La bataille est finie. Sur quoi, ils quittent leur cachette et à la file indienne, par les vignes, descendent vers le village ; mais, au tournant de la rue du Grand-Puits, ils tombent sur une « douzaine d’Allemands qui remontent en silence vers Congy » et dont le chef, qui « porte un tambour sur le dos et un brassard de la Croix-Rouge sur la manche, » demande en bon français à l’instituteur où se trouve le 164e régiment [d’infanterie allemande]. M. Roland répond que le 164e cantonnait au village. « Tout le régiment n’y était pas, » réplique l’officier qui, sans insister, continue son chemin. C’étaient les derniers traînards de l’armée ennemie, des grand’gardes sans doute et des infirmiers qu’on n’avait pu prévenir à temps de la retraite, tellement elle avait été précipitée.

Cinq minutes plus tard, un peloton de cuirassiers français pénétrait dans le village. La population acclamait ces premiers

  1. Courrier de Sézanne.