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de chances d’être plus satisfait de sa condescendance quand elle sera doublée par l’adjonction de la Roumélie orientale.

Il ne résulte pas de ces critiques que le chancelier d’Allemagne ait conçu le désir de s’opposer à l’agrandissement de la Bulgarie. Comme toutes les Puissances, et tout en boudant plus ou moins ouvertement l’extraordinaire audace du prince qui a osé braver l’Europe, il laisse entendre qu’il n’y a qu’à s’incliner. C’est la politique du laisser faire qui triomphe. L’annexion serait donc définitivement accomplie, si tout à coup n’entraient en scène la Serbie et son souverain, le roi Milan.

Impulsif, agité, mobile et parfois envieux, ce prince n’a pas toujours conduit et maintenu dans les voies de la prudence et de la sagesse le grand et noble pays qu’il gouverne. Il s’inquiète de l’agrandissement de l’Etat rival et prétend avoir droit à des compensations territoriales.

Cette prétention est encore une des conséquences du traité de Berlin. L’Autriche, maîtresse de la Bosnie-Herzégovine, et la Bulgarie, devenue plus vaste par l’adjonction de tous les pays bulgares, la Serbie se trouvait en quelque sorte encerclée de tous côtés ; c’est l’unique excuse qu’on puisse invoquer en faveur de l’imprudente et injuste agression à laquelle recourt le roi Milan. Quelques jours après la proclamation d’Alexandre qui annonçait à l’Europe qu’il n’y avait plus de Roumélie orientale et qu’à sa place était constitué un grand Etat bulgare, l’armée serbe entrait en campagne avec le dessein d’occuper Sofia et les territoires que le roi Milan prétendait se faire attribuer.

C’était à la mi-novembre.

Le 24, cette armée franchissait la frontière, et après quelques actions relativement peu importantes, elle rencontrait devant la petite ville de Slivnitza, sur la route de Sofia, les troupes bulgares solidement fortifiées.

Il n’y a pas lieu d’évoquer ici les péripéties de cette campagne de quelques jours, durant laquelle le prince Alexandre témoigna de qualités militaires qui lui donnèrent la victoire à Slivnitza.

Le 25 novembre, alors qu’il marchait sur Belgrade, le roi Milan lui fit demander un armistice pour traiter de la paix.

— Je veux la signer dans sa capitale, répondit Alexandre.

Il continua son chemin.

Mais, le 27, il recevait à son quartier général la visite du