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des chemises aux larges raies bleues, hanches et rouges. D’autres, pour ressembler davantage au grand héros de la Révolution, et protester, sans doute, contre les favoris décoratifs du candidat républicain, se sont fait raser, sans pitié, barbe et moustache.

Mais l’angoissant problème qui se posait, la semaine passée, aux deux conventions républicaine et progressiste, à Chicago, ne se retrouve plus ici, dans un parti, qui, s’étant, il y a quatre ans, saisi du pouvoir, évite avec soin tout dissentiment, ou de personne, ou d’idées, qui risquerait de le lui faire perdre. Il y a quatre ans, à Baltimore, la convention démocrate s’était prononcée pour un terme unique, autrement dit pour la non-rééligibilité du président sortant : ’il n’en est plus question. Il n’y a pas un an qu’après le torpillage allemand du Lusitania, le pacifisme à tout prix de M. Bryan avait trouvé l’attitude du président Wilson trop belliqueuse, sa manière trop provocante et trop forte. Et la démission du secrétaire d’Etat avait, un moment, laissé l’impression qu’après avoir déjà trois fois accepté la candidature présidentielle du parti, Bryan, contre Wilson, la chercherait encore. Mais non. S’il est ici, ce n’est pas à titre de candidat dissident. Parmi les moindres illustrations qui l’entourent, son profil aux lignes vigoureusement accusées se détache net et tranchant ; son œil d’aigle cherche dans la foule ses admirateurs d’autrefois. Il n’a pas perdu sa popularité. Les grands bosses n’ont pas oublié ses triomphes de jadis, à Chicago, en 1896, où seul, inconnu, mais plein d’ardeur et de fougue, il arrachait, en brandissant sa fameuse (c Croix d’Or, » la nomination à ses rivaux déconcertés, ni à Kansas City, en 1900, où, réélu candidat par acclamation, il voyait sa popularité toujours grandissante balayer devant lui la multitude déroutée de ses adversaires. Fidèle au pacifisme à tout prix, à l’anti-alcoolisme absolu, champion de la paix et du a jus de groseille, » il est toujours redoutable. Mais il n’entend pas se faire redouter. Il était venu à Chicago, chez ses adversaires, en journaliste. C’est de même en journaliste qu’il est parmi les siens, à Saint-Louis.

Le président actuel n’aura pas de concurrent. Le choix, la semaine précédente, du juge Hughes, la retraite, déjà plus que probable, de Roosevelt, indiquent au parti démocrate, parti de minorité, qu’il doit jouer serré, se grouper autour du président sortant, en se ralliant à sa politique, plutôt que lui demander de rallier sa personne à son programme. Au mois de février