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point ménagées. Il n’a réussi qu’à se faire hacher, entassant les uns sur les autres ses morts qui sont morts pour rien. On assure que, de notre part, les sacrifices sont minimes, et que nos opérations nous coûtent en hommes aussi peu qu’il est possible, le travail de notre infanterie étant minutieusement préparé et parfaitement couvert par notre artillerie. Nos canons dominent, nos troupes dominent. Nous sommes portés par la supériorité même que, moralement et matériellement, nous sentons que nous avons acquise. Et puisque l’Allemagne a voulu que, dans cette tuerie, toutes les puissances de destruction fussent déchaînées, nous avons lâché sur elle de nouveaux monstres.

Sur le front italien, patiemment, infatigablement, par-dessus les obstacles qu’a entassés la nature adverse, au prix d’un héroïsme obscur et quotidien, les troupes royales ne cessent de réaliser, elles aussi, dans le val Arsa et le haut Posina, des progrès qui, comme les nôtres sur la Somme, paraissent petits tant qu’on les mesure un à un, mais dont le total sera sensible, et dont les conséquences ne sont pas toutes à l’échelle même de la carte. A l’Est de Gorizia et sur le Carso, du Nad-Logen jusqu’au rivage de la mer, vers Monfalcone, en bombardant le château de Duino et le chemin de fer, à Oppacchiasella, une offensive pleine de promesses semble concertée et entreprise : dès son départ, 2 000 prisonniers, un butin de guerre considérable, sont tombés en la possession de nos Alliés. Il pourrait se livrer, par là, une des batailles qui décideront, sur place, du sort de Trieste, et peut-être du sort de la monarchie austro-hongroise. Les accens de la proclamation que le duc d’Aoste vient d’adresser à son armée de l’Isonzo sont trop enflammés, trop lyriques, pour ne pas annoncer ou présager de grandes actions.

Sur le front russe, dans la région du Dniester, les Russes tiennent Halicz sous le feu multiplié de leurs grosses pièces. L’aile gauche de l’armée de Bothmer a été enfoncée. De même que chez nous, les contre-attaques allemandes où s’acharne l’énergie farouche d’Hindenburg échouent. Les divisions de Letchitsky, couronnant sommet par sommet les Carpathes, appuient la marche envahissante des Roumains en Transylvanie.

Dans ce secteur de Transylvanie, l’armée roumaine s’était portée et établie sur une ligne allant de Brasso, à l’Est, vers Sibiu, à l’Ouest, en passant au centre par Fogaras, sur l’Aluta, se confondant par conséquent avec le tracé même d’une des principales artères par où circule la vie en ces âpres contrées. Elle avait poussé devant elle des