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décisive, mais que ce n’a pas été une victoire, et que c’est finalement une défaite. Arrêtée sur une ligne de Tuzla à Rasova, en avant du chemin de fer de Constantza à Cernavoda, l’armée bulgaro-allemande, qui se croyait déjà partie pour Odessa, n’a remporté que tout l’opposé d’une victoire, décisive ou non. Elle a été si nettement battue, qu’elle a battu en retraite, ce qui, cette fois, est le signe certain d’une « défaite décisive. » Elle a eu beau exposer pour enseignes de grands tableaux où le nom de Mackensen était mis en vedette et faire ainsi sortir son « Dragon vert, » les Russes et les Roumains lui ont dit et prouvé en bons militaires, par le langage et les gestes appropriés, le peu de terreur qu’ils en éprouvaient. Le prestige de Mackensen a pâli dans ces cinq journées. Gageons que « le Prussien volant » va reprendre l’air, et qu’il ne se passera pas deux semaines avant que, pour réaccréditer le fétiche, on n’ait signalé sa présence en quelque autre partie du front !

Ne la signale-t-on pas déjà à Monastir ? Car nous disions, le 15 septembre : « L’armée de Salonique s’ébranle. » Elle s’est ébranlée, vers son aile gauche du moins, d’un mouvement puissant et persévérant. Les Serbes, qui retrouvent toutes leurs forces en foulant le sol de la patrie, ont escaladé le Kaïmakcalan, d’où ils aperçoivent la terre promise, la terre qui leur fut volée et qu’ils brûlent de reconquérir. Les Russes et les Français sont entrés dans Florina, d’où les Bulgares refluent en désordre, et avec des pertes sanglantes, sur le chemin de Monastir, qui n’est qu’à une trentaine de kilomètres. Au delà de Monastir, c’est Prilep, c’est Negotin, ou c’est Vélès, c’est la ligne du Vardar, — et ce sont toutes les villes, amies ou ennemies, où elle mène. C’est le flanc droit des Germano-Bulgares tournés contre la Roumanie, et ce sont les derrières des Bulgaro-Germains tournés contre Salonique, qui appellent les coups et sur lesquels on est irrésistiblement invité à frapper. Au sommet de la courbe, sur la pente des monts Bélès, quelques avant-postes italiens, débordés par le nombre, ont été conduits à se replier. Aux environs de Doiran et de Gjevgeli, l’artillerie tonne. A l’Est, sur la rive gauche de la Strouma, qu’éclairent des reconnaissances anglaises, à Sérès, à Drama, ce serait l’opérette, et nous nous en amuserions, n’ayant rien du tout à y faire, si la trahison d’un général grec n’avait rendu les Bulgares maîtres de Cavalla, que de nouveau bombardent les escadres alliées. A Cavalla, le cercle de, fer et de feu, qui, de la mer du Nord à l’Adriatique, et de la Baltique à la Mer-Noire, entoure l’Europe, se ferme sur la mer Egée.