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les troupes du secteur. Contre-attaque le 3 juin sur notre gauche pour reprendre la ligne des retranchemens et venir en aide à R1, qui tient toujours. Et les observateurs en ballon ne cessent pas de signaler des colonnes ennemies gravissant les pentes et venant grossir le nombre des assaillans.

Certes, il faut se relier au fort : des camarades sont là, qui attendent leur délivrance : « Nous avons dans le fort des camarades français, téléphone l’armée, il faut les dégager et, tout d’abord, entrer en liaison avec eux. C’est le devoir de tous. Devoir sacré." Le général Tatin, qui commande le secteur, dirigera lui-même l’opération.

Mais l’ennemi ne cesse pas d’attaquer, et il inonde son objectif d’une pluie de feu qui ne s’interrompt jamais. Le 298e régiment est rapproché. À deux heures du matin, le 4, une attaque est déclenchée sur le fort, par le Nord-Ouest et par le Sud-Est. Elle commence de progresser, puis elle est arrêtée par les mitrailleuses. Un avion, au petit jour, vole au-dessus du fort et descend si bas qu’il fait de l’ombre sur ce chaos. L’audacieux oiseau va-t-il se faire blesser comme le dernier pigeon ? Il glisse parmi les obus et les balles comme une salamandre dans le feu et le voici qui se redresse et s’éloigne. Il a rempli sa mission : sur la superstructure du fort, il a repéré l’emplacement des mitrailleuses. Quelques instans plus tard, notre 75 et notre 155 C. démolissent toutes les installations ennemies établies sur la partie supérieure de l’ouvrage. À dix heures du matin, par temps clair, les avions constatent que les tranchées du fort sont complètement nivelées et que personne n’occupe le dessus du fort.

La nuit suivante, l’ennemi recommence sur la superstructure ses travaux et ses abris de mitrailleuses. ; Il condamne ainsi la sortie par le Sud. Il interdit le départ et les communications. Des reconnaissances, — dès qu’elles ont été proposées, le nombre des volontaires a été si grand qu’il a fallu faire un choix, — ont essayé de pénétrer dans le fort. Aucune n’a pu accomplir sa mission. En revanche, on a pu sortir. Deux signaleurs, nous le savons, ont franchi les lignes dans la soirée du 4 juin. Quelques heures plus tard, dans la nuit du 4 au 5, l’aspirant Buffet, deux sous-officiers et trois hommes de la 7e compagnie du 142e sortent à leur tour. Le problème est moins insoluble à la sortie qu’à l’entrée. Pour sortir, il faut se garer des mitrailleuses boches, mais pour entrer il faut, en outre, se garer des nôtres.