Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/827

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA
CHIRURGIE DE GUERRE

Avant le cataclysme effrayant que l’ambition allemande a déchaîné sur le monde, nous ne connaissions pas la chirurgie de guerre. Dans une science aussi objective que la nôtre, on ne connaît bien que ce que l’on a vu, Et l’immense majorité d’entre nous, tous ceux au moins qui ne sont pas encore au seuil de la vieillesse, n’avaient pas vu la guerre. Nos maîtres et nos anciens nous avaient bien raconté ce qu’ils avaient vu, eux, de leurs propres yeux, en 1870. Mais la chirurgie civile était encore, précisément à cette époque, si lamentable et si meurtrière, que les désastres de la chirurgie militaire, qui n’en différait pas beaucoup, ne firent pas sur eux l’impression qu’ils produisent aujourd’hui sur nous. Et ces désastres étaient naturellement attribués aux conditions générales de l’exercice de la chirurgie à cette époque, beaucoup plus qu’aux difficultés particulières que la force des choses impose à la chirurgie de guerre.

Nous savions mal, également, ce qui s’était passé dans les guerres modernes. Les expéditions coloniales n’ont guère été instructives que pour les médecins. La Mandchourie était trop loin. La guerre qui s’y est déroulée a sans doute instruit les Russes et les Japonais. Elle ne nous a rien appris ! Seule la guerre des Balkans, au cours de laquelle un certain nombre de jeunes chirurgiens français, dont quelques militaires, et surtout des internes de nos hôpitaux, ont été mettre leur science et leur dévouement au service des belligérans, a commencé à nous ouvrir les yeux. Ces jeunes gens, de retour parmi nous, nous avaient raconté tout ce qu’ils avaient vu. Ils connaissent