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par les pansemens aux corps gras. Cette modification funeste eut les résultats les plus désastreux. Et peu à peu, à mesure que progressait la science chirurgicale sous l’impulsion d’hommes éminens au premier rang desquels se trouvait Dupuytren, les résultats pratiques de la chirurgie devenaient de plus en plus déplorables. La chirurgie civile, à l’heure même où les maîtres qui, sous l’influence des découvertes de Pasteur, allaient la transformer, étaient déjà dans toute la force de l’âge, était lamentable. C’est l’époque où l’on voyait l’ouverture d’un panaris se terminer par la mort. La chirurgie de guerre était pire encore, et je tiens d’un chirurgien qui, en 1870, était interne à la Pitié, que, pendant les jours tragiques du Siège et de la Commune, il ne vit guérir qu’un seul amputé, qu’un interne avait isolé, pour l’opérer, dans une sorte de grenier, sous les combles de l’hôpital ! L’infection purulente exerçait d’effroyables ravages, et la chirurgie était devenue, à cette époque, si terrible et si meurtrière que, pendant les quelques années qui suivirent la guerre, les jeunes gens que leurs goûts et leurs aptitudes entraînaient vers cette science passionnante hésitaient à se lancer dans cette voie douloureuse, et que les candidats se faisaient rares aux concours qui décident des places cependant si enviées de chirurgiens dans les hôpitaux de Paris.


Voilà donc ce que nous savions sur la chirurgie de guerre. Mais depuis cette date funeste de 1870, de grands jours étaient venus. En France et en Angleterre, des hommes avaient surgi dont les découvertes changèrent la face des choses : de la chirurgie tragique d’autrefois, ils firent la science merveilleuse et bienfaisante que nous connaissons aujourd’hui. Pasteur vint révéler au monde les secrets de la vérité souveraine, et on ne dira jamais trop que la découverte par ce grand Français de la cause première des maladies virulentes, — et parmi elles des infections chirurgicales, — a été le plus grand bienfait dont un homme ait jamais doté l’humanité.

Quelque intéressans qu’aient été les essais incertains de Le Fort et d’Alphonse Guérin, c’est à Lister qu’il faut attribuer l’honneur impérissable d’avoir su appliquer à la chirurgie les découvertes de Pasteur. La création de la méthode antiseptique, qui est l’œuvre de ce grand Anglais, a transformé la chirurgie. Lucas-Championnière fut en France le premier à comprendre la