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les eaux territoriales pour y faire des captures, survolant systématiquement avec leurs zeppelins les contrées neutres, mouillant des mines en pleine mer et sur les routes de navigation les plus fréquentées, coulant enfin, — et même sans avis préalable, — tout navire soupçonné d’avoir chargé pour la Grande-Bretagne, on osait à peine opposer de timides représentations !... Dans de telles conditions, l’on est conduit à envisager le blocus rapproché, effectif, avec toutes ses conséquences de l’ordre diplomatique et militaire, dans la Baltique aussi bien que dans la mer du Nord, comme le seul moyen d’obtenir des résultats qui nous rapprochent de la fin de la lutte.

D’autre part, et quel que soit l’optimisme, — très justifié en soi, — que l’on professe ici à l’endroit de l’issue de cette lutte, nous ne pourrions sans grande imprudence méconnaître, nous Français, que nous avons un intérêt tout particulier à ce que ce conflit aboutisse promptement à la solution que nous désirons : l’anéantissement de la puissance militaire de la Prusse, base essentielle de la puissance militaire allemande. Les raisons de ceci sont complexes, quelques-unes délicates. Je pourrais les résumer en disant que c’est la France qui, proportionnellement à ses ressources générales, a le plus « donné » et depuis plus longtemps dans cette guerre, et qu’il n’est capital quel qu’il soit, — humain, moral, matériel, — qui ne s’use par une continuelle dépense.

Et si l’on m’oppose que celui de nos ennemis s’use encore plus vite, je suis enchanté de le reconnaître, seulement j’observe qu’au moment où l’on discutera les conditions de la paix imposée par les Alliés, il serait fâcheux que la France s’assît à la table du Congrès avec un portefeuille sensiblement plus vide que celui de ses Alliés. Ceux de mes lecteurs qui ont lu l’histoire du Congrès de Vienne me comprendront si j’affirme qu’il faut se présenter à celui de 1918 avec des forces matérielles qui soient en mesure de donner un efficace appui à la force morale que la France s’est acquise depuis deux ans.

Que résulte-t-il de tout ceci ? C’est qu’il nous appartient de proposer à l’examen de nos Alliés, particulièrement à celui de l’Angleterre et de la Russie, toutes les questions que soulève l’idée d’une énergique et décisive action de l’Entente sur le quatrième front, l’idée de la prise de possession effective de la Baltique.