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Quel trouble la guerre a-t-elle apporté dans l’utilisation des instrumens de pêche par les gens de mer ?

On s’attend, quand on feuillette les statistiques, à constater un fléchissement très marqué dans la production et l’on est, au contraire, agréablement étonné de s’apercevoir que l’écart n’est pas aussi grand qu’on le supposait entre les chiffres comparés des années précédant la guerre et ceux des campagnes 1914-1915. Alors qu’en 1913 la valeur de la vente se montait à 156 951 502 francs, en 1914, elle atteint encore 113 310 113 et en 1915, elle n’est pas inférieure à 95 254 000 francs. Il est juste d’observer que les prix du poisson ayant fortement augmenté, la production réelle n’est pas absolument proportionnelle à la valeur des produits. C’est ainsi, par exemple, que le marché de Paris, dont les prix se sont relevés de plus de 100 pour 100 en moyenne, a vu ses arrivages se restreindre de 33 pour 100 environ.

Il ne s’agit, jusqu’ici, que de chiffres globaux : une petite incursion dans le monde des pêcheurs nous renseignera plus exactement sur leur existence pendant la guerre. Ce sont certainement les pêcheurs à la morue, ces terre-neuvas et ces Islandais immortalisés par Pierre Loti, qui sont les plus populaires. Ils étaient partis, pleins de confiance, sur les bancs, quand un ordre, d’ailleurs regrettable, de l’administrateur de Saint-Pierre et Miquelon, en leur communiquant la nouvelle de la mobilisation, leur enjoignit de rallier la métropole. La navigation fut interrompue au moment où elle devenait intéressante, et la production baissa de 47 492 403 kilos en 1913, à 36 515 756 en 1914. Allait-on entreprendre une nouvelle campagne en pleine guerre ? Le ministre de la Marine comprit, avec juste raison, qu’il y avait un intérêt général évident à concilier les nécessités de la défense nationale avec ceux d’une industrie indispensable au ravitaillement général du pays. Quelques marins en sursis de plus ou de moins ne pouvaient balancer l’avantage qu’il y avait à assurer l’importation de la morue en France. On autorisa donc le départ des goélettes qui, à l’heure dite, hissèrent leurs voiles dans les bassins de Saint-Servan, de Paimpol, ou de Gravelines. Mais cette autorisation avait été donnée dans des limites fort restreintes, de façon à assurer l’armement du tiers des goélettes ordinairement affectées à la pêche à la morue. De ce fait, 14 bâtimens seulement, dont 12 chalutiers, ont pris la mer en 1915 : leur production,