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l’explosif employé, la plupart des marines utilisent dans leurs torpilles le coton-poudre humide. Il semble pourtant que les Allemands lui aient préféré le trinitrotoluol fondu, — qu’ils appellent aussi trotyl où trinol, et qui est, on le sait, dérivé de la nitration du toluol, comme la mélinite est dérivée de la nitration du phénol, ou la dynamite de la nitration de la benzine. Mais que ce soit l’un ou l’autre qui soit employé, la détonation de l’explosif placé dans la chambre avant de la torpille n’est obtenue, comme dans les obus, que par l’intermédiaire d’un percuteur au fulminate de mercure et d’un relais contenant un explosif plus sensible, coton-poudre sec ou trinitrotoluol pulvérulent.

En somme, la torpille n’est qu’un obus sous-marin mais qui a ceci de particulier d’être automatique, ou plutôt automoteur. La torpille entretient elle-même sa vitesse sous l’eau, grâce à un petit moteur à air comprimé qu’elle renferme dans sa partie postérieure et qui fait fonctionner deux petites hélices placées à l’arrière et tournant en sens contraire. Ceci est nécessaire pour que la torpille ne tourne pas sur elle-même.

Il ne suffit pas que la torpille marche ; il faut qu’elle marche en ligne droite vers le point visé et à une profondeur constante pour ne pas passer trop bas, sous le navire, ou au contraire venir flotter à la surface. La profondeur la plus efficace est de 3 ou 4 mètres. Pour les y maintenir, on munit les torpilles récentes d’un manomètre soumis à la pression de la colonne d’eau sous-jacente et qui, automatiquement, agit par des ressorts sur un gouvernail de profondeur horizontal et très analogue à celui des aéroplanes. Quant à la rectitude de la marche, elle est maintenue grâce à des gouvernails verticaux analogues aussi à ceux des avions et qui sont commandés par un gyroscope.

Pour augmenter la vitesse, on a donné à la torpille comme aux coques d’avion une forme fuselée, ronde à l’avant, effilée à l’arrière, ce qui la fait d’ailleurs ressembler beaucoup plus à un sous-marin qu’à un submersible. Elle arrive à avoir ainsi sur une petite distance une vitesse d’environ 80 kilomètres à l’heure. Pour franchir un kilomètre, — distance au-dessus de laquelle on ne la tire guère avec succès, — il lui faut donc près d’une minute. Pendant ce temps, le navire visé se déplace en général d’une quantité très supérieure à sa longueur. Il faut donc viser en avant, en tenant compte de la vitesse angulaire du navire et de la distance. Comme on voit, le lancement d’une torpille est une opération encore plus délicate qu’un réglage de tir d’artillerie sur but mobile. On comprend aussi dans ces conditions pourquoi un