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Saint-Dié. L’ennemi paraît avoir subi des pertes considérables ; on a trouvé plus de 1 500 cadavres dans un espace très restreint. Dans une tranchée, une section tout entière avait été fauchée par nos obus ; les morts étaient cloués sur place, encore dans la position de mise en joue. Il se livre dans cette région, depuis trois jours, des combats acharnés qui paraissent, dans l’ensemble, tourner à notre avantage.


Évidemment, il ne comprend pas. Il relate les faits qu’on lui livre. Mais lui qui, d’ordinaire, explique tout, ici n’explique rien et même ne s’explique pas très bien ces succès. Le 27, ayant à faire connaître la décisive journée du 26, il signale l’avantage obtenu, mais dans ces termes froids :


Dans la région entre les Vosges et Nancy, nos troupes continuent à progresser.


Le 27 août seulement, cette note, enfin, plus juste, mais qui, en somme rend compte de cinq jours de bataille en quatre lignes d’ailleurs réconfortantes :


Dans la région entre les Vosges et Nancy. — Notre offensive est ininterrompue. Depuis cinq jours les pertes allemandes sont considérables. On a trouvé au Sud-Est de Nancy, sur un front de 3 kilomètres, 2 500 Allemands dans la région de Vitrimont, sur un front de 4 kilomètres, 4 500 morts. »


C’est bon. Mais à quel point la vue générale manque ! On dirait qu’on craint « d’emballer le public. » En tout cas, ce n’est pas le fort tonique qui lui serait nécessaire et dont on a les élémens. Le nom de la « trouée de Charmes » n’est pas même prononcé. La région où se livrent ces magnifiques combats est désignée par ces termes vagues : « au Sud-Est de Nancy. » La reprise des champs de bataille, la constatation des pertes énormes de l’ennemi, la progression continue de nos armées, rien n’éclaire le rédacteur. Comment eût-il, à son tour, éclairé l’opinion ?

Mais le haut commandement n’est-il donc pas mieux renseigné ? Partage-t-il ces sentimens incertains et encore inquiets ? Nullement. Rien n’est plus ferme, rien n’est plus vigoureux que sa compréhension des grands événemens auxquels il a présidé. Dès le 27 août, le « Bulletin des renseignemens du Grand Quartier général » s’exprime en ces termes : « Les corps bavarois, le XXIe et le XVe corps ont été battus par les forces françaises, opérant au Sud de Metz. Ils ont reculé en désordre en laissant 12 000 hommes sur le champ de bataille. »

Ce même jour, 27 août, le général Joffre, dégageant, avec