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Paris, le 27 avril (1807).

« J’ai reçu ta lettre, mon cher Eugène. Je vois avec plaisir que tu es de retour et que ta femme et ma petite-fille se portent bien. Je vais m’occuper de la procuration que tu me demandes[1]. Comme elle doit être faite par le ministre secrétaire d’Etat, il est impossible qu’elle puisse m’être envoyée de Pologne pour le mois de mai. D’ailleurs, je pense que l’Empereur t’ayant demandé de l’instruire comment tu as tout arrangé pour le baptême, tu ne peux pas ne pas le prier de nommer ton enfant, de t’en rapporter à lui pour tout le monde. Tu sauras qu’il est d’usage que les enfans des princes aient plusieurs parrains et marraines. Tu pourrais demander à l’Empereur de permettre qu’à son refus le roi de Bavière le remplaçât. Je compte aller incessamment à Saint-Cloud. J’en ai besoin pour ma santé. J’ai souffert ces jours-ci de la migraine, ce que j’attribue au printemps, ou plutôt au chagrin d’être toujours séparée des personnes que j’aime. J’ai reçu aujourd’hui du 18 avril une lettre de l’Empereur. Sa santé est toujours bonne, mais il ne me parle pas de son retour. Je souhaite pour ta femme qu’elle ne soit jamais longtemps séparée de toi. Je t’embrasse tendrement ainsi que ma petite-fille que j’aimerai comme j’aime mon Eugène.

« JOSEPHINE. »


Le 5 mai 1807, Napoléon-Charles, l’enfant sur qui l’Empereur avait placé jusque-là toutes les espérances de son hérédité, meurt à la Haye. Dès les premières nouvelles de la maladie, Joséphine eût voulu courir près de sa fille. Sur la demande de celle-ci, elle a envoyé en Hollande Corvisart, qui seul a sa confiance. Mais Corvisart est arrivé trop tard. Il écrit à l’Impératrice le 8 mai cette étrange lettre[2] :

« Madame, la diligence la plus grande que j’aie pu faire n’a pas suffi à mon zèle : j’ai appris en route le sort funeste du jeune prince.

« J’ai poursuivi ma route avec activité pour apporter, autant qu’il est en moi, des consolations au Roi et à la Reine.

« Par le compte qui m’a été rendu, j’ai lieu de croire que le

  1. Pour le baptême.
  2. Coll. part.