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explosifs employés dans les obus des belligérans, — car, naturellement, la mélinite a été copiée partout, — sont fondés sur ces principes qui rendent inoffensif le choc au départ des explosifs nitrés. Ceux-ci, la mélinite notamment, ont parmi leurs constituans des matières premières relativement rares — étant donnée la consommation fantastique du front — comme les nitrates et divers produits de la distillation de la houille.

Les explosifs chlorates diffèrent des nitrés en ce que l’agent comburant, celui qui brûle l’explosif comme l’air brûle le gaz d’éclairage, est un chlorate et non un nitrate. Berthollet avait fait sous la Révolution la première étude sérieuse des explosifs chlorates. Mais il y fallut bientôt renoncer pour les usages de guerre à cause de leur foudroyante instabilité, de leur sensibilité extrême au moindre choc, à la caresse même d’une barbe de plume, qui causèrent des catastrophes effroyables.

Un chimiste anglais, M. Street, quelque temps avant la guerre, réussit à domestiquer les chlorates si redoutés en les mélangeant à des corps gras, notamment à l’huile de ricin, et c’est ainsi que sont nées les cheddites qui tirent leur nom du village de Cheddes, dans les Alpes, où on les fabriquait en grand, dès avant la guerre, pour l’industrie, à cause des facilités que les chutes d’eau fournissaient pour l’électrolyse et la fabrication des chlorates. Je dis les cheddites, car il en est de différentes compositions.

Eh bien ! ces explosifs et d’autres analogues que la prudence interdit d’employer dans les obus à grandes vitesses initiales, ont trouvé un débouché inépuisable dans les projectiles de tranchée. J’ai cru devoir m’étendre un peu sur leur compte, car il ne faut point perdre de vue que c’est en dernière analyse l’explosif scellé dans le projectile qui est l’arme efficace et vraie, l’ultima ratio de l’artilleur. Certes les flancs du vase d’acier qui porte à son but le précieux philtre de mort, certes la forme et la nature du tube qui lance ce vase d’acier ne sont point négligeables, mais après tout ils ne sont que les humbles supports de l’explosif-roi. C’est lui qui est leur cœur et leur âme, et leurs formes, nous l’avons vu déjà, peuvent varier beaucoup sans que ses effets à lui soient moindres :


Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse…


Pour achever ce tableau, il nous faudrait donner quelques