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principe que le premier devoir est de fortifier le crédit britannique et de ménager les générations à venir ; il faut que les ressources ordinaires couvrent au moins le montant à prévoir des dépenses ordinaires de l’après-guerre, intérêt et amortissement de la dette inclus. D’ailleurs, n’est-il pas plus politique de hausser l’impôt pendant les hostilités, en ce temps de sacrifices où chacun se soumettra plus volontiers aux charges nécessaires, qu’une fois que la guerre terminée aura fait place, comme il est de règle, à de graves difficultés économiques : alors ce sera le temps du dégrèvement ! Voilà, n’est-ce pas ? une belle tradition, qu’on peut envier à l’Angleterre ; une tradition, d’ailleurs, particulièrement faite pour un pays que son insularité sauvegarde des pires désastres de la guerre, et qui, pour son bonheur, n’a connu durant cent ans que des guerres plus ou moins lointaines, des guerres faites abroad, où il ne sentait ni sa vie suspendue ni surtout son existence nationale en jeu : des guerres « à responsabilité limitée, » pour reprendre un mot de M. Lloyd George.

Très courageusement, M. Lloyd George s’efforça d’abord de se conformer à cette tradition. Le 17 novembre 1914, il adresse aux Communes un grave appel, et, évoquant les précédens, il déclare qu’une forte augmentation des impôts est nécessaire ; il fuit hausser divers droits indirects et doubler le taux de l’income tax, comme avait fait Gladstone au début de la guerre de Grimée. Cette première carte à payer n’est pas celle qu’eût établie un gouvernement unioniste ; elle est pourtant acceptée d’emblée sans opposition. On ne se dissimule pas, d’ailleurs, qu’il restera un gros déficit à couvrir, 60 pour 100 pour la fin de l’année, davantage l’année suivante. Dès le début, il a fallu s’adresser à l’emprunt : d’abord à l’emprunta court terme, au moyen de bons du Trésor (de 3 mois à un an), qui prendront bientôt un très grand développement et auxquels s’adjoindront les obligations du Trésor (de 2 à 5 ans) ; puis à un premier grand emprunt consolidé, de 330 millions de livres (8 milliards et quart de francs), que le ministre émet en novembre 1914 au taux de 3 et demi et au cours de 95. Plus la guerre se développe, plus s’élargit ce recours au crédit auprès duquel l’impôt même accru n’apparaît plus que comme un appoint. Aussi n’est-ce pas sans étonnement qu’au printemps de 1915, à l’ouverture de l’année financière 1915-1916, à part quelques surtaxes