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plus facile qu’imposer, encore qu’il y ait la « manière. » Dans la pratique d’un effort fiscal dont nous avons mesuré l’amplitude, quelle a été la « manière » des Anglais ?

Depuis que le Royaume-Uni s’est converti au libre-échange, l’histoire de son régime fiscal a été celle d’une lutte entre les deux grands groupes d’impôts, impôts indirects ou sur les consommations d’une part, de l’autre impôts directs, c’est-à-dire, en Angleterre, income tax ou impôt sur le revenu, droits de succession, plus quelques taxes directes secondaires (landtax, house duty, jand valuation duty), auxquelles la classification officielle ajoute les droits sur les transactions (timbre). La balance, autrefois, penchait fortement du côté des impôts indirects ; en 1887, ceux-ci ne représentaient déjà plus que 55 pour 100 du produit des impôts. Le changement de siècle vit entre les deux plateaux un équilibre très vite rompu d’ailleurs, car en 1908 les impôts indirects ne fournissent plus que 47 pour 100 du total, 42 pour 100 en 1913. Depuis vingt-cinq ans on ne leur a demandé qu’une progression de rendement de 96 pour 400, alors qu’on en réclamait une de 208 pour 100 à l’income tax et aux droits de succession. Ce glissement continu de l’impôt de la voie indirecte à la voie directe a surtout été l’œuvre des gouvernemens libéraux ; avec plus de réserve, le parti conservateur y a aussi travaillé, jusqu’au jour où il a cru trouver dans la réforme douanière le contrepoids nécessaire à l’abus de la fiscalité directe. Au dernier budget d’avant-guerre (mai 1914), sur une prévision de recettes fiscales de 173 millions de livres, les impôts indirects étaient comptés pour 75 millions (43 pour 100), l’income tax pour 56 et demi, les droits de succession pour 28 et demi, le timbre pour 10, et les taxes directes secondaires pour 3 seulement.

Ce système fiscal, simple, mais un peu rigide, l’Angleterre s’est bien gardée depuis la guerre de le révolutionner. Elle l’a développé, dans l’esprit antérieur, en écartant toute expérience, toute mutation brusque dans des méthodes traditionnelles, éprouvées, fructueuses.

Elle n’a fait qu’une innovation, et celle-là d’ordre temporaire : l’excess profits duty, taxe spéciale de 60 pour 100 à percevoir (après déclaration obligatoire) sur les bénéfices exceptionnels de l’industrie ou du commerce depuis le 1er août 1914, c’est-à-dire sur les bénéfices annuels dépassant de plus de