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revenir, est l’élection à la Présidence de la République des États-Unis d’Amérique. C’est là que nous avons eu des surprises. Dans leur zèle à nous renseigner, les agences n’ont tenu compte de rien, pas même des différences de longitude ; elles ont supprimé le méridien, et ce sans-gêne astronomique les a conduites à présenter comme définitifs des résultats qui ne pouvaient être encore que partiels et très incomplets. Le mercredi matin, pour toute l’Europe, M. Charles Hughes était élu ; à midi, c’était moins sûr ; le soir, ce ne l’était plus du tout ; le jeudi, M. Woodrow Wilson tenait la corde. Mais les commentaires, les pronostics, les oraisons funèbres, et, si l’on ose ainsi dire, les épithalames, dans l’intervalle, étaient allés leur train : il eût sans doute mieux valu les retenir ou les arrêter. La sagesse veut en conséquence que nous nous bornions à deux ou trois constatations qui ne pourront être démenties. Il est acquis que le Président désigné, — c’est aujourd’hui M. Wilson, — ne sera élu qu’à quelques voix de majorité ; ce qui l’invitera à faire état non pas seulement de l’opinion de ses partisans, mais de celle de ses adversaires. Il est acquis par surcroît, quel que soit l’élu, que ni l’un ni l’autre des candidats, — ni M. Hughes ni M. Wilson, — ne se sont révélés soucieux d’obtenir ouvertement les suffrages progermains : voilà ce qu’il y a eu de plus clair dans une campagne assez confuse. Comme les deux auteurs pour le mauvais ouvrage : plus n’ont voulu l’avoir fait l’un ni l’autre. Telle est maintenant la cote de l’Allemagne ; l’expérience ne sera point perdue. Nous avons parlé de surprises. Ce serait la dernière, mais ce ne serait pas la moindre surprise de cette élection, que M. Wilson réélu fût plus près de M. Hughes candidat que M. Hughes lui-même, s’il eût été élu. Le monde est petit, dit un proverbe, qu’on nous assure américain ; et si les hommes, heureusement, n’y font pas toujours tout ce qu’ils veulent, ils ne veulent pas toujours tout ce qu’ils y font.


CHARLES BENOIST.

Le Directeur-Gérant, RENE DOUMIC