Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 36.djvu/499

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chaque dimanche matin, desservait deux paroisses que huit kilomètres séparaient ; un autre s’installait dans un confessionnal de vicaire pour maintenir à proximité d’une population nombreuse le signe du pardon divin. Le sourire longuement attristé, — sourire suprême peut-être, — que jetaient à leurs clochers les prêtres en partance, s’illuminait d’un peu de sécurité confiante lorsqu’ils pouvaient pressentir qu’à l’ombre de ce clocher, pour le service de leurs ouailles, d’autres bonnes volontés se prodigueraient. Et le sourire s’éteignait, à mesure que sur l’horizon le clocher s’atténuait. C’est à leur besogne d’ambulanciers, à leur besogne de soldats, que désormais s’attachait leur pensée. Quelques-uns de leurs aînés, déjà promus à la dignité épiscopale, suivaient, eux aussi, en dépit de leur ceinture violette, l’ordre commun de mobilisation : Mgr Ruch, coadjuteur de Nancy ; Mgr Perros et Mgr Moury, vicaires apostoliques ; et plus tard Mgr Llobet, évêque de Gap.

A nos frontières, des groupes de religieux se présentaient., Une loi, naguère, les avait mis en demeure d’opter entre la jouissance du sol natal et leur idéal d’une vie en commun ; ils avaient préféré leur idéal, ils s’étaient expatriés. Ils rentraient sur l’intimation d’une autre loi, pour servir et, s’il le fallait, mourir. Leurs supérieurs ecclésiastiques les poussaient à « fournir au pays leur part de sacrifice : » c’étaient là les termes exacts de la consigne donnée par Mgr Jarosseau, vicaire apostolique des Gallas, aux Capucins de son vicariat. ; D’aucuns, libérés par leur Age, revenaient néanmoins : tel ce P. Maingot, oblat de Marie, missionnaire au Natal, qui, ayant dépassé la cinquantaine, s’offrait comme ambulancier, comme interprète, et qui, décoré de la croix de guerre, recevait les félicitations publiques de M. Léon Bourgeois.

Onze novices assomptionnistes, surpris en Luxembourg par l’invasion allemande, s’affublaient de vêtemens civils, gagnaient à pied la Belgique, furtivement, et puis obliquaient vers la frontière française, à destination de leur caserne. « Maintenant la République ne trouvera pas que vous êtes de trop, » leur disait, sur notre sol, le premier maire qui les accueillait. Les Dominicains de la province de France envoyaient aux armées quatre-vingt-deux des leurs, dont quarante-quatre novices : onze déjà ont été tués. Les Jésuites, prenant sur les lois qui les avaient frappés la plus charitable et la plus héroïque des revanches, se