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Les interventions de l’abbé Laisnez avaient limité le pillage ; l’intervention de l’évêque, dans les journées des 6 et 7 septembre, allait libérer la ville épiscopale et le département d’une autre menace. L’intendant général allemand réclamait au département trente millions, à la ville trois millions, à titre d’indemnité de guerre. L’adjoint, un conseiller municipal, un chanoine, étaient responsables sur leurs têtes si cette dernière somme n’était pas acquittée. La commission municipale se retourna vers l’évêque, pour qu’il sauvât ces trois têtes. Sans ambages, il accepta ; il passa par la mairie, pour faire confirmer ses pouvoirs d’intermédiaire ; et puis il s’en fut chez le prince royal de Saxe. Le prince le fit recevoir par l’intendant général, le 7 septembre au matin. En soutane violette, avec des souliers de marche, l’évêque aborda l’intendant : son vicaire général et l’abbé Laisnez l’accompagnaient. Il avait un costume de prélat, et déjà des chaussures d’otage ; il s’attendait à être emmené. Il exposa l’insolvabilité de ses diocésains, la disette des banques, la pauvreté de ses prêtres. Il parla des efforts qu’avait faits le clergé de Châlons pour retenir dans la ville tous ces pauvres gens qu’on voulait pressurer, de l’iniquité qu’il y aurait à exiger certains sacrifices incompatibles avec leur indigence. Quelques heures s’écoulèrent, et l’Allemagne se contenta d’un acompte de 500 000 francs : moyennant cet acompte, les Châlonnais étaient assurés que leurs personnes et leurs biens seraient respectés ; l’évêque et les autorités civiles obtinrent qu’une affiche officielle allemande contresignât cette promesse. Quelques jours plus tard, on put déchirer l’affiche : le samedi 12 septembre, la victoire de la Marne ramenait nos chasseurs dans Châlons. La liturgie diocésaine du dimanche 13 évoquait saint Alpin, qui jadis, sur ce même siège épiscopal, avait bravé les colères d’Attila. Et les phrases latines qui célébraient le vieil évêque retentissaient comme un hommage à l’adresse de son lointain successeur. La gloire de saint Alpin passait jadis pour archaïque ; Mgr Tissier, pour en hériter, n’avait eu qu’à faire tout son devoir.

Tel évêque, tels curés. Un demi-millier d’habitans sur 8 500, c’était là toute la population de Vitry-le-François, et parmi les 8 000 qui s’en étaient allés, figuraient le maire, les adjoints, les conseillers municipaux. Mais l’abbé Nottin, archiprêtre de la ville, était d’autant plus sédentaire qu’il s’agissait d’attendre un péril : l’Association paroissiale catholique, depuis longtemps fondée par