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d’une façon de plébiscite épiscopal ; de presque tous les évêchés de France parvenaient à Nice des adhésions motivées, qui, par leur nombre et par leur poids, marquaient une sorte d’offensive de la hiérarchie française contre une certaine pensée d’outre-Rhin, mauvais arbre désormais jugé d’après ses fruits ; l’acte de l’évêque de Nice acquérait un tel rayonnement, que le verbe de Mgr Dupanloup semblait ressuscité ; et par l’organe de Mgr Chapon c’était, à proprement parler, la théologie traditionnelle qui apportait à la cause des Alliés, à la sainte cause du droit des gens lésé, l’appui de son inflexible rectitude.

La France s’est détachée de l’Eglise, objectaient à nos partisans, dans les pays neutres, certains catholiques qu’avait fourvoyés la propagande allemande ; mais le cardinal Sevin, archevêque de Lyon, prenait à son tour la parole.


Qu’est-ce que la culture allemande, demandait-il, — cette culture qu’on nous imposerait demain, si nous étions vaincus ? Une civilisation qui a pour caractéristique essentielle la rupture d’avec Dieu, la rupture des idées d’avec Dieu, car elle ne les rattache plus à cette cause suprême ; la rupture des mœurs d’avec Dieu, car elle ne connaît d’autre loi que la force. Imagine-t-on rien de plus opposé au catholicisme ? Par la force des choses, la France reprend dans cette lutte de la civilisation allemande avec la civilisation chrétienne la place que quatorze siècles lui ont assignée aux côtés de Jésus-Christ.


Même avant cette lutte, d’ailleurs, ne l’avait-on pas trop diffamée, cette France ? C’est ce que concluait Mgr Mignot, archevêque d’Albi, dans l’une de ses trois lettres sur la guerre : « Si Dieu est négligé par un trop grand nombre, oublié par quelques-uns, méconnu et même nié par d’autres, où est-il aimé avec plus d’intensité, mieux servi qu’en France ? Dans quelle nation trouve-t-on plus de dévouement sous toutes les formes, plus, de sacrifices consentis à la cause divine ? » Et afin de remontrer à certains catholiques des pays neutres l’absurdité politique de leurs sympathies pour la cause germanique, Mgr Mignot continuait :


Parce que, à la suite d’une déplorable erreur politique, le gouvernement français n’a plus, momentanément, de relations officielles avec la Papauté, on voudrait donner l’hégémonie religieuse, confier la défense de l’Église a un souverain qui hait le catholicisme, à un peuple qui crie : les von Rom ! L’empire d’Occident reconstitué deviendrait le Saint Empire Romain protestant ? A quoi songent donc ces grands politiques ?