Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 36.djvu/528

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais ces souffrances avaient des compensations glorieuses, dont l’une s’appelait la victoire de la Marne : Mgr Gibier, évêque de Versailles, la commentait, et guidait avec une exacte précision l’action de grâces française.


L’histoire, disait-il, parlera comme nous du miracle de la Marne. Je m’explique. Le miracle absolu est un acte de la puissance divine qui supplée, supprime ou modifie l’action régulière des causes secondes. Telle n’est pas la victoire de la Marne. Le miracle relatif est un acte de la Providence divine qui dirige les causes secondes et leur fait produire, en certains cas, un résultat imprévu et inexpliqué. Telle est la victoire de la Marne. Malgré toutes les explications stratégiques, il y reste une part de mystère, qui est la part de Dieu.


Ainsi l’Eglise de France élevait-elle la voix pour le soulagement des misères, pour la prédication du devoir national, pour la défense du nom français, et pour donner, enfin, une interprétation religieuse aux événemens tragiques que permettait Dieu. Mais le bruit que faisaient en France et dans le monde ces divers appels de l’Eglise de France était dominé par le retentissement de ses prières, — de ces autres appels qui montaient vers Dieu.


VII

Partout les évêques priaient, faisaient prier. « Pourvu que les civils tiennent ! » disaient là-bas au front nos poilus. Prier, c’est une façon de tenir, — une façon d’autant plus tenace que la prière est plus confiante, plus abandonnée. La foi qui se traduit en prières a la fermeté d’un acte de volonté : elle s’évade de tout découragement, elle repousse comme une impiété les tentations de désespoir. Périodiquement, au cours de la guerre, les évêques prescrivirent à la France des manifestations collectives de foi. Il y en eut une, à Paris, en l’honneur de sainte Geneviève, dans la semaine même où s’engageait la merveilleuse bataille de la Marne ; l’Eglise appelait à la rescousse de nos armées la patronne de Paris, et Charles Péguy, l’auteur de la Tapisserie de sainte Geneviève, eut le temps de pressentir sans doute, avant de tomber mort, que Geneviève venait à la rescousse et que la France vivrait., Lorsque le roi d’Angleterre fixa pour le peuple anglais un jour d’ « humble prière et intercession, » durant lequel Dieu serait