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devant les consciences françaises le sens intégral du langage romain. La prudence pour lui n’est jamais une lenteur, elle est toujours une prévoyance : il sentit la minute critique, où des malentendus pouvaient surgir ; il sut dire aussitôt le mot qui clarifie tout en illuminant tout, et le commentaire archiépiscopal, acte précieux et mémorable, fit loi pour toute la France. L’Etat fit savoir qu’il était rassuré, et la prière des fidèles de France rejoignit celle du Père commun de tous les fidèles, avec la plus confiante docilité ; car ils savaient, désormais que « les inspirations de la charité pontificale étaient d’accord avec les propres vœux de leur patriotisme. » « La paix que le Saint-Père nous invite à implorer de Dieu, insistait le cardinal, n’est pas une paix fausse, précaire, mais une paix vraie, solide et durable qui, selon la parole de nos Saints Livres, est l’œuvre de la justice, la paix qui suppose, qui exige le triomphe et le règne du droit. » Et de toutes les âmes qui avaient l’habitude de prier, et peut-être aussi de quelques autres, montèrent vers Dieu, à la voix du Pape et de l’Eglise de France, d’ardentes instances pour l’avènement d’une pareille paix.

Au mois de septembre 1916, la supplication est devenue plus pressante encore : elle a pris l’aspect d’un vœu, formulé, dans une lettre collective, par tous les évêques de France. Ils veulent, disent-ils dans cette lettre, « faire violence au Ciel en provoquant une manifestation de foi. » Et tous s’engagent à conduire à Lourdes, après la conclusion de la paix, un pèlerinage de leurs diocèses respectifs. La prière nationale est souhaitée par l’Eglise comme une nécessité sociale. Certains évêques ont élevé la voix pour réclamer la participation des pouvoirs publics à l’acte collectif de prière auquel sans cesse l’Eglise convie la France. Non pas qu’ils aspirent à des pompes officielles, toutes de façade, auxquelles manquerait cette spontanéité qui est l’un des élémens de la ferveur et l’une des puissances de la prière ; mais ils jugent souhaitable, en thèse, que l’état des esprits permette aux représentans légaux d’une nation de la représenter jusque devant Dieu. En tout état de cause, la France, aux yeux de l’Eglise de France, est un être qui doit prier : les catholiques qui prient et qui croient a la prière sont convoqués à Lourdes, pour le lendemain de la victoire, par l’unanimité de l’épiscopat ; et tous les évêques sont d’accord pour marquer d’un caractère national cette promesse