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de Montmédy et de Briey, et non pas le duché de Lorraine.) D’ailleurs, l’influence de la Champagne, plus polie et relativement plus paisible, la communauté de langue entre ces deux contrées voisines, tendaient depuis longtemps à les rapprocher et à les fondre l’une, et l’autre dans le domaine royal. Il est à noter, en effet, que nos maîtres étrangers respectèrent toujours notre langue, comme nos usages locaux. C’est en français que le Grand Conseil de Luxembourg, ou Philippe II, roi de toutes les Espagnes, rédigeaient les ordonnances et les lettres adressées à nos bourgeois et à nos commandans d’armes ; et ce sont des prêtres indigènes, portant généralement des noms français, que l’archevêque de Trêves désignait pour les cures de la région.

Quoi qu’il en soit, la formation morale, comme la formation politique de ces pays, semble avoir été définitivement achevée à cette époque. Pendant une partie du XVIIe siècle et pendant tout le XVIIIe, ils ont reçu si profondément l’empreinte de la monarchie française, que leur physionomie se modifiera à peine, au cours du siècle suivant, en dépit des révolutions et des bouleversemens politiques. Il a fallu le changement économique produit dans la région par la découverte du bassin minier, pour en renouveler complètement l’esprit et les mœurs. Jusqu’à ces trente dernières années, rien n’avait bougé chez nous depuis plus de cent ans, ni dans - les têtes et les cœurs de nos gens, ni dans les rues de nos villes et de nos villages. Quand j’interroge mes souvenirs, je vois se lever toute une collection de types vraiment représentatifs, qui symbolisent autant la vieille France que la vieille Lorraine.


Un de mes amis, qui dénigre volontiers les théories régionalistes, ne cesse de me répéter : « Il n’y a plus de provinces ! Il y a la province d’un côté, Paris de l’autre, et c’est tout ! » Je tremble qu’il n’ait raison. Pourtant, dans cette uniformité provinciale, des nuances, dont quelques-unes même assez tranchées, se révèlent à des yeux attentifs. Peut-être qu’il est plus facile de les sentir soi-même que de les faire distinguer à autrui. Peut-être que ces types, qui me paraissent, à moi Lorrain, si représentatifs de mon pays, n’offriront à d’autres aucun trait vraiment particulier. Encore une fois, je demande pour