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trop exigeante en sollicitant, en échange de la possession de la Thrace tout entière, désormais assurée à son alliée, un débouché sur la mer ou même des concessions en Macédoine, dût-on, pour résoudre toutes les difficultés et mettre d’accord tous les intérêts, modifier la convention initiale qui délimitait exactement les territoires devant revenir à chacun des deux Etats. Mais, sur ce point, le refus du gouvernement bulgare s’annonçait irréductible. Il reconnaissait que la constitution d’une Albanie autonome était pour la Serbie une source de déconvenues. Mais, sous prétexte qu’il n’en était pas responsable, et rappelant qu’il avait fait déjà le grand sacrifice d’abandonner Uskub, dont la population était bulgare, il déclarait que, s’il y avait consenti, c’était pour s’assurer en échange les territoires situés au Sud et notamment Monastir. Il ne pouvait donc renoncer à rien de ce qui lui avait été concédé.

On voudrait pouvoir attribuer cette intransigeance aux ministres bulgares. Mais c’est le roi Ferdinand et, lui seul qu’il en faut accuser. Depuis qu’il gouvernait, il avait toujours été le directeur volontaire et unique de la politique extérieure de son royaume et il entendait bien ne pas se laisser déposséder de son influence dont l’exercice flattait ses goûts autoritaires et même despotiques. C’est donc sa pensée qu’il faut voir dans les propos que tenaient ses ministres et où se trahissait déjà une vive irritation contre les alliés de la veille.

— Ils se conduisent, dans les régions qu’ils occupent, d’une manière incompréhensible, disaient les organes les plus autorisés du gouvernement. On veut « serbiser » les Bulgares qui les habitent. Au début de l’occupation de la Macédoine, c’était aux Grecs que nous pouvions reprocher ces tentatives qui n’ont pris fin que lorsqu’ils en ont senti le danger. Aujourd’hui, c’est avec les Serbes que nous avons les mêmes difficultés. Les uns et les autres devraient cependant comprendre la nécessité du maintien indissoluble de l’Union balkanique.

C’étaient là de sages conseils, mais ils eussent été plus susceptibles d’être suivis, si ceux qui les donnaient avaient eu la sagesse de s’y conformer. Or, il est de toute évidence qu’en créant l’Union balkanique, le roi Ferdinand s’était surtout inspiré de l’intérêt de sa dynastie et ne maintiendrait l’alliance qu’à la condition de la dominer et de la diriger. Sa campagne de 1912 contre la Turquie, les exploits de son armée, ses