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13 septembre, une bombe atteignait l’église des Saints-Jean et Paul, crevait la voûte et faisait explosion dans l’intérieur de l’édifice. Sous la poussée de l’air violemment déplacé, les vitraux sautaient hors de leurs alvéoles et se brisaient en poussière sur le sol ; fort heureusement, on avait démonté auparavant la belle verrière du XVe siècle qui décorait la grande fenêtre du bras droit du transept. Le crépi des murailles se détachait par plaques énormes et couvrait tout le pavé de l’édifice d’une couche épaisse de débris. Des éclats endommageaient l’orgue, déchiraient le plafond peint d’une des chapelles. Par une chance miraculeuse, aucun des tombeaux admirables qui remplissent l’église ne recevait même une égratignure. Mais aujourd’hui encore, l’église dévastée présente un aspect lamentable ; le vent passe à travers les fenêtres ouvertes ; le sol, crevé par places, est jonché de décombres ; et l’on sent cruellement, à voir ces ravages, qui n’ont causé pourtant que des dommages matériels, sans aucune perte d’art, ce que pourrait, ailleurs, entraîner de ruines une semblable explosion. Je ne parle pas des maisons, assez nombreuses, frappées ou incendiées par les bombes. Mais ce qu’il faut retenir, — car c’est la preuve éclatante de la barbarie autrichienne et de la volonté préméditée de certaines destructions, — c’est que la plupart de ces maisons se trouvent au voisinage immédiat des monumens les plus fameux de Venise.

Si on relève sur un plan les points de chute des projectiles, on voit que les édifices qui sont la gloire de la cité ont été comme entourés par un cercle de bombes. Aux alentours de l’église des Frari et de l’Archivio di Stato, plusieurs maisons ont été atteintes ou brûlées. Aux abords de Saint-Marc, quatre bombes sont tombées dans le jardin du palais royal, deux dans le rio voisin, une devant la façade de la basilique. Tout autour du palais ducal, sur la Piazzetta, près de l’hôtel Danieli, sur les maisons qui avoisinent le canal Orfano, d’autres projectiles se sont abattus. L’escadrille de dix à quinze avions qui, dans la nuit du 9 au 10 août 1916, survola Venise et brûla Santa-Maria Formosa, visait incontestablement Saint-Marc. Et c’est miracle que, de ces monumens si exactement encadrés par le tir ennemi, aucun n’ait été touché, à l’exception de l’église des Saints-Jean et Paul, dans le voisinage de laquelle, outre celle qui la frappa, plusieurs bombes de gros calibre tombèrent, heureusement sans éclater.