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L’armement des paquebots a été décidé, en principe, il y a plus d’un an, et ce fut un grand progrès ; mais il semble, à en croire les explications officielles auxquelles je faisais allusion au début de cette étude, que, chez nous, la réalisation ait été et soit encore assez difficile d’un desideratum sur lequel on avait eu quelque peine à se mettre d’accord[1]. En est-il de même en Angleterre ? Je n’en sais rien. Il est clair qu’il faut beaucoup de canons et encore plus de canonniers, sans compter les guetteurs exercés. Il faut aussi des capitaines bien résolus à tirer sur le pirate, ce que celui-ci ne pardonne pas, ni, encore moins, les autorités allemandes, comme on l’a vu dernièrement par la Condamnation à mort d’un de ces braves gens.

Mais enfin, si ce moyen de protection faisait encore défaut, s’est-on servi de celui qui consiste à tenir une route détournée ?… Dans la Méditerranée, trop sectionnée par des étranglemens successifs, l’efficacité de ce procédé peut être contestée. Dans l’Atlantique Nord, et dût-on côtoyer les grands packs de glace, sévères gardiens de la calotte polaire, à partir du 70e parallèle, il est toujours possible et il y aurait grand avantage à naviguer sur une courbe qui envelopperait d’assez loin la route directe entre les Shetland et le Cap Nord.

Reste la difficulté des atterrissages et le péril peut être égal qui attend le grand vapeur au, sortir du port de chargement ou qui le guette à l’arrivée dans les eaux libres de la côte laponne. En effet ; mais c’est là que le procédé escorte reprend ses droits. Dans un rayon assez étendu, 50, 60 milles au moins et beaucoup plus si on emploie des « destroyers » de forte taille, les groupes de défense mobile qui prennent pour bases les ports considérés, seront toujours prêts à recueillir les vapeurs venant du large ou à conduire en haute mer ceux qui s’éloignent. C’est ainsi qu’il y a quelques semaines, des torpilleurs russes sortis d’Arkhangelsk, — à la grande surprise de nos adversaires, — livraient bataille, vers le Varanger Fjord, à des sous-marins allemands qui poursuivaient des paquebots alliés.

En résumé, la bonne méthode semble mettre en jeu, dans le cas qui vient de nous occuper, l’armement du paquebot, — si

  1. A noter que, dans la Méditerranée au moins, on a vu des paquebots armés, tels que la Medjerda, il y a quelques semaines, protéger par leur feu d’autres vapeurs qui se trouvaient dans leur voisinage, au moment de l’attaque du sous-marin.