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de l’Empire sonnent à pleine volée, — vieille habitude, — mais c’est pour emplir par l’oreille les estomacs bien plus que les cœurs allemands. Quant au blé même et au pétrole, il n’est pas sûr que le bénéfice de l’entreprise soit, à beaucoup près, aussi « colossal » que voudrait le faire croire un bilan faussé ; car les Roumains, en repli volontaire, n’ont pas été, le plus souvent, bousculés à ce point qu’il leur ait été impossible d’arroser l’un avec l’autre, où l’un et l’autre se trouvaient réunis, et d’y mettre le feu. Ce qui serait extrêmement fâcheux pour la suite, ce serait que les Allemands eussent saisi, comme ils s’en vantent, d’importantes quantités de matériel roulant, dans un pays où il n’abonde pas, et où le matériel russe, qui n’est pas de la même mesure, n’y saurait suppléer.

Les choses, d’après ce que nous en connaissons, en sont là, et nous nous en tenons là. Faute d’informations plus complètes, nous nous abstiendrons de risquer le moindre pronostic sur ce que les Austro-Allemands vont tenter de faire, sur ce que les Russo-Roumains vont essayer ou d’empêcher ou d’entreprendre. On aperçoit, à l’inspection de la carte, en partant de l’angle des Carpathes et des Alpes de Transylvanie, une ligne par laquelle le front oriental pourrait être prolongé jusqu’à la Mer-Noire : la ligne du Sereth et du bas Danube dans la direction Galatz, Reni, Ismaïl ; ce qui laisserait aux Austro-Germano-Bulgares la possession provisoire de la Valachie et de la Dobroudja, mais en revanche garantirait la Moldavie, tant que la barrière des Carpathes serait solide et n’aurait, comme elle l’a toujours, de tendance à se déplacer que pour mordre en territoire hongrois. Mais que serait ce prolongement du front ? Va-t-il, lui aussi, se fixer, se figer en front défensif ? Et qui va le premier, des Allemands ou des Russes, s’y placer sur la défensive ? Si ce sont les Russes, pour attendre quoi ? et si ce sont les Allemands, pour se retourner contre qui ?

Déjà le bruit court que Falkenhayn ne commande plus l’armée d’invasion par le Nord et par l’Ouest, qu’il avait formée, et conduite. (Cependant, le bulletin sur la prise de Bucarest le cite encore comme chef de la IXe armée.) Au cas où ce bruit serait fondé, il serait probablement insuffisant de l’expliquer par le souci de ménager la susceptibilité d’un ancien chef d’état-major général peu désireux de passer sous les ordres de Mackensen, à qui son bâton de maréchal aurait assuré le rang et le pas, le commandement et la prééminence. Par la campagne de Roumanie, poussée à toute vitesse, avec une suprême violence, l’État-major allemand s’est jeté dans « le foudroyant. » Falkenhayn est un des deux tonnerres de Hindenburg. N’allons pas nous