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Des informations sûres représentaient les Autrichiens comme décidés à marcher sur Scutari ; on pensait qu’ils ne trouveraient pas de résistance au Monténégro ; il devenait évident que l’armée risquait d’être encerclée, si elle n’était pas rapidement évacuée. Le Gouvernement ne cessait de mettre les représentans alliés en garde contre cette éventualité. Quoi qu’il arrivât, le prince Alexandre déclarait qu’il était décidé à rester au milieu de ses soldats ; les ministres ne pouvaient qu’imiter le Régent. Les Serbes combattraient, s’ils y étaient obligés, mais, comme ils n’avaient plus de munitions, et que les armes leur faisaient presque complètement défaut, cette suprême lutte ne pouvait aboutir qu’à un désastre, à une capitulation.

Tout en craignant d’être bientôt réduit à cette extrémité, le Gouvernement continuait à préparer l’évacuation de l’armée, faisant cantonner le plus grand nombre de ses troupes autour d’Alessio pour les mettre plus à portée du ravitaillement.

Mais la décision tant attendue arrivait enfin. Sur l’initiative du gouvernement de la République, les Alliés avaient décidé que l’armée serait conduite à Bizerte et embarquée à Saint-Jean de Médua en même temps qu’à Durazzo et à Vallona. Un premier départ de quelques centaines d’hommes se faisait à Médua., L’armée serbe allait donc être sauvée, et, cette fois encore, le salut lui venait de la France.

A la nouvelle que l’évacuation était commencée, la joie la plus vive se manifesta parmi les soldats ; ils avaient au début montré une certaine répugnance à l’idée d’être transportés au-delà des mers ; maintenant, ils témoignaient leur satisfaction d’aller en Tunisie, d’où ils se voyaient déjà revenus au bout de quelques mois pour reconquérir le sol national. Rassuré sur le sort de l’armée, le Gouvernement pouvait penser à son propre départ. Des dispositions étaient prises pour l’accueillir à Aix en Provence et pour hospitaliser en Corse et dans diverses régions de la France les députés, les fonctionnaires et les réfugiés.

Mais les événemens marchaient ; du Monténégro, des nouvelles pessimistes arrivaient ; les Autrichiens s’étaient emparés du mont Lovtchen, ils avaient engagé des pourparlers de paix. Scutari était menacé ; les Serbes se trouvaient en danger ; il n’y avait plus un instant à perdre pour évacuer l’armée. L’opération pourtant se faisait avec une lenteur inquiétante ; le Gouvernement ne savait même plus si ses troupes étaient conduites à