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la naissance de La Fayette, il portait à la France un toast vibrant où, après avoir rappelé le vers de Shakspeare définissant les soldats français : The Good’s ovm soldiers, « les propres soldats de Dieu, » — du Dieu de la justice éternelle, — et tracé un portrait enthousiaste de ceux d’entre eux qu’il venait de voir à l’œuvre, dans une récente visite au front de Verdun, il concluait : « Pendant que je me promenais à travers les rues de la ville, en compagnie d’Owen Johnson, notre excellent romancier, une idée s’empara de mon esprit, que je mo promis de communiquer, dès mon retour, au premier auditoire américain devant lequel j’aurais à élever la voix. Et cette idée, c’était que, là, dans ce paysage épique, sursaturé d’héroïsme, qui sera plus tard un lieu de pèlerinage universel, s’érigeât un jour prochain, à nos frais, un monument de marbre ou de bronze, chargé d’attester aux yeux du monde, par un signe matériel impérissable, l’admiration de l’Amérique américaine pour l’indomptable valeur française. » Je me suis laissé dire que déjà les cotisations pleuvaient.

Quant à M. Frédérik Coudert, dont la porte, comme le cœur, s’ouvre d’elle-même à quiconque y frappe au nom de la France, j’aimerais qu’il sût par ces lignes, s’il les parcourt, de quel soulagement a été pour un Français, alors en séjour aux États-Unis, la lecture de sa lettre vengeresse du 10 mars 1916. On était à l’un des tournans les plus dangereux de la politique extérieure américaine. Les caricatures des journaux représentaient M. Wilson abaissant un regard morne vers sa plume glissée à terre, lasse de rédiger des notes aussi fermes que vaines contre les exploits sans cesse renouvelés des sous-marins allemands, cependant que le méphistophélique Von Bernstorff soufflait à l’ouïe de certains Congressmen, aux mentalités encore primitives d’échappés des prairies du Middle West, un moyen très ingénieux d’en finir une bonne fois avec ces sempiternelles histoires de torpillages qui menaçaient, à tout instant, d’amener des complications désagréables et d’empêcher l’Amérique de s’enrichir en paix : « Supposez, — insinuait le tentateur, — qu’en aucune circonstance aucun Américain ne s’embarque sur les navires torpillables, vous voilà dispensés, n’est-ce pas ? de vous inquiéter si ces navires sont torpillés. Eh bien ! obtenez de votre Président qu’il sanctionne une mesure législative faisant défense expresse à tout