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comme un sou et merveilleusement nette dans toutes ses allures. » Nous lui devons, entre autres choses, une relation bien typique de l’une des séances de son cinéma. Ou plutôt, hélas ! force m’est d’avouer que la séance que nous décrit Frau Schnappauf ne diffère que bien peu de celle que pourrait nous décrire une collègue française de cette « lourde personne, » — avec cette seule différence que, contrairement à l’habitude de notre public, la « gouvernante » du commandant allemand préfère aux chapitres les plus pathétiques des « romans-cinémas, » tout de même qu’aux farces d’un beau Max Linder de là-bas, le « nouveau numéro de la semaine animée, du Lokal-Anzeiger, » encore bien que « l’on y retrouve toujours les mêmes images de rues dévastées par des fusillades, d’églises saccagées, de villes en ruine, etc. » Car il faut savoir que Mme Schnappauf est, elle aussi, une patriote, et qui serait trop heureuse de pouvoir accompagner son maître « sur le front, » — afin que, si un Français ou un Anglais venait à passer près d’elle, il lui fût possible « de lui lancer à la tête une marmite pleine d’eau bouillante, de manière à lui enlever, d’un seul coup, et la vue et l’ouïe. » Mais celle-là aussi, avec une franchise égale à celle de la jeune Dorette, reconnaît que son « patriotisme » n’est pas seul à motiver son élan de joie, lorsqu’elle apprend qu’elle aura bientôt à s’occuper d’héberger deux soldats.

— Je m’en réserverai un pour le cœur, dit-elle, et l’autre pour l’estomac !

Ce qu’elle explique aussitôt en ajoutant qu’elle compte sur l’un des soldats pour en recevoir des baisers, et sur l’autre pour lui, procurer l’occasion de se « gaver » soi-même, tout en le repaissant. Espérance qui, d’ailleurs, ne tarde pas à être déçue. Dès le surlendemain de l’arrivée des deux soldats, Frau Schnappauf demande tristement à son maître s’il ne pourrait pas leur substituer d’autres hôtes plus aimables.

— Le sous-officier, j’ai beau lui faire mes yeux les plus doux, cela le laisse froid, malgré le soin que j’ai eu de lui faire entendre délicatement que je ne suis pas sans posséder quelques économies. Et quant à son compagnon, sûrement il est pourvu d’un double estomac. Lorsque je me suis bourrée par-dessus la tête, et que je m’imagine l’avoir pareillement rassasié, le voilà qui me dit : « Ah ! ma bonne Frau Schnappauf, deux ou trois tranches de pain avec de la saucisse, voilà ce que je me mettrais encore si volontiers sous la dent ! »

Autres types de « patriotes, » cueillis un peu au hasard des pages. C’est, par exemple, un gamin des rues qui nous révèle que son père,