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garde de ne pas procéder ainsi : il y avait eu une note allemande, une note autrichienne, et même, puisque Dieu l’a voulu, une note turque et une note bulgare. Diviser pour abattre : le piège était un peu grossier. Mais dix réponses, même concordantes, même identiques, dix copies de la même réponse, n’eussent pas eu la force d’une seule. Il est bon encore, il est excellent, que la Décuple Entente ait mis les choses dans leur vrai jour, en déchirant le voile de ce double mensonge, de cette double équivoque : les Empires du Centre n’ont point voulu la guerre ; les Empires du Centre sont d’ores et déjà, et définitivement, vainqueurs. Il est excellent que l’Entente se soit attachée à un programme, à une formule qui sont les siens moins encore qu’ils ne sont le programme même et la formule même du droit, qui confondent et absorbent sa cause dans les termes, comme elle est confondue et absorbée dans le fait, avec la cause même de toutes les nations, belligérantes ou neutres, avec la cause même de l’humanité. Enfin, il est à merveille que ce que la Décuple Entente Avait à dire, elle l’ait dit sans ambages, qu’elle ait bravement appelé le mal un mal et le militarisme prussien un brigandage. M. Wilson, qui est l’homme des livres et qui aime les textes, en a maintenant un sur lequel il n’y aura pas à épiloguer. L’Allemagne, elle-même, n’épilogue plus. Elle a été, sous le coup de cet arrêt, secouée de deux frissons, fureur et amertume, et peut-être aussi d’un troisième qu’elle réprime de toute son énergie, anxiété ou angoisse. Elle vaticine au monde des catastrophes. Peut-être, dans un suprême sursaut, les prépare-t-elle. C’est le moment de nous faire un cœur impavide, un front impassible, des nerfs insensibles.

Bien des bruits ont couru sur une violation possible de la neutralité suisse. Nous nous bornerons à noter que le président en exercice de la Confédération, M. Schulthess, un de ses anciens présidens, M. Motta, le chef du département fédéral des Affaires extérieures, M. Hoffmann, ont, depuis quinze jours, parlé beaucoup plus qu’il n’est dans leurs habitudes, et qu’ils n’ont pas perdu une occasion de rappeler que la Suisse défendrait à outrance contre toute agression sa neutralité qui engage sa vie et son honneur. Que de points encore il nous faudrait toucher pour que cette chronique fût complète, pour que rien n’y fût sacrifié ou négligé ! Que d’observations nous pourrions faire ! que de maximes, peut-être, nous en pourrions tirer ! Mais il faudrait nous condamner à une énumération toute sèche, réduire les faits à leur squelette, les décharner et les vider ! De si grands événemens sont trop grands et font craquer tous nos cadres. Au point