d’eux. » Il revient ainsi « avec des renseignemens sûrs, vus. C’est superbe. » Mais c’est aussi assez coûteux. « Chaque jour il y a de la casse à ces tranchées. Avant-hier trois tués, un blessé. » Rien n’y fait, et les hommes « demandent tous à y aller. C’est une récompense. Cela remplace le quart de vin de l’escadre… » Il insiste encore dans une lettre postérieure du 16 : les tranchées de la rive gauche ne sont certainement pas des palais ; on y patauge, « mais moins que dans la petite tranchée à cent mètres de l’ennemi. Là mes gars font douze heures avec de l’eau jusqu’aux mollets. On ne peut les relever que de nuit ou de grand matin. C’est dur, car les blessés sont forcés de rester debout, mais c’est une récompense que d’être désigné pour la petite tranchée : il faut veiller ; ils sont seize et j’ai eu jusqu’à deux blessés et trois tués par nuit à cet endroit. Mais c’est la batterie des hommes sans peur de Toulon ! »
C’est de cette petite tranchée des hommes sans peur que partent généralement les reconnaissances nocturnes. Les Allemands, dit-on, ronflent à poings fermés dans la tranchée voisine[1], ce qui incite le commandant Geynet, grand imaginatif, à leur jouer un tour de sa façon. Il en a parlé à l’amiral qui s’est mis à rire : « sans risquer un homme, » il compte, avec son système, « flanquer beaucoup de Boches en bas. » Mais il garde son secret pour lui. « Je vous le révélerai plus tard, » dit-il aux siens. Il est à craindre qu’ils ne le connaissent jamais.
Le 15 décembre, entre autres, une de ces reconnaissances, exécutée au petit jour, donna fort à penser. Le commandant de Kerros, sur ordre de l’amiral[2], l’avait montée avec trois volontaires : le quartier-maître Le Goff, les fusiliers Le Moalic et Le Neveu[3]. La mission était délicate. La veille au soir, une reconnaissance, qui avait poussé jusqu’aux tranchées allemandes les plus rapprochées, n’y avait entendu aucun bruit. L’ennemi les avait-il évacuées ? Ou nous tendait-il un piège ? L’amiral avait quelque raison de se le demander.
Deux jours auparavant en effet, dans le secteur voisin[4],
- ↑ Il semble qu’« ils ne l’occupent pas toutes les nuits, » dit-il ailleurs. Dans « une reconnaissance, nous y avons vu beaucoup de cadavres boches. « (Commandant Geynet, lettre du 16.)
- ↑ Lettre du lieutenant de vaisseau Feillet.
- ↑ Ce dernier, de Sainte-Suzanne (Mayenne], et l’un des rares Manceaux, sinon le seul que possédait la brigade.
- ↑ « À huit kilomètres des fusiliers, » précise le commandant Geynet.