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d’ailleurs, nous étions sur nos gardes. En somme, l’offensive du 17 décembre avait obtenu quelques-uns des résultats souhaités : elle avait fait la diversion demandée et, en plus de cette diversion, elle avait réalisé un gain partiel à la droite de notre front par la prise d’un redan, de deux tranchées et de quelque 400 mètres de terrain[1].

Mais elle coûtait cher à la brigade. « Il y a eu de la casse, beaucoup de casse, surtout parmi les officiers, écrivait le lendemain l’enseigne Boissat-Mazerat : sur 12 que nous étions au bataillon, 5 ont été tués, 2 blessés grièvement, 2 plus légèrement, 3 sont indemnes, et je me compte parmi eux, n’ayant eu qu’un vague séton du bras, avec trou d’entrée et trou de sortie parfaitement propres. » Ces officiers étaient le commandant Geynet, le lieutenant de vaisseau Benoît, l’enseigne Pion qui, atteint une première fois à la joue, s’était bandé lui-même avec son mouchoir et avait continué l’attaque, les officiers des équipages Souben et Séveno, tués ou disparus ; les lieutenans de vaisseau Bonnelli et de Malherbe, l’enseigne Bioche[2], blessés grièvement ; le lieutenant de vaisseau Pitous, l’enseigne Viaud, blessés plus légèrement. Les pertes en hommes n’étaient pas moins fortes et si, comme on le pensait, l’offensive avait un lendemain, la contribution de la brigade devrait être proportionnée à la réduction de ses effectifs.


IV. — À L’ASSAUT DE LA GRANDE-REDOUTE

Le quartier général avait en effet décidé la continuation de l’offensive : le mordant de nos marins lui semblait un gage de succès. Mais cet état d’exaltation, qui les arrachait à eux-mêmes et à leurs misères, pouvait-il longtemps se soutenir ? Dans une seule ambulance, le docteur Taburet note qu’il a, tous les jours, une centaine de malades, « sans préjudice des blessés. » La perspective de « crever dans la boue » démoralisait les hommes, qui se seraient abandonnés, sans le magnifique exemple d’endurance qu’ils trouvaient chez leurs officiers,

  1. Voir, pour les résultats obtenus par le 20e corps, le communiqué du 19 décembre et les Principaux faits de guerre, du 16 au 24 décembre.
  2. Mort des suites de sa blessure. Il avait été « blessé, dit sa citation, en se portant, avec sa section, sur une position battue par les mitrailleuses ennemies. » Bioche appartenait à la 12e compagnie du 2e régiment, ce qui explique que Boissat-Mazerat le passe sous silence,