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C’est ainsi que la grandeur des conjonctures précipite chez les uns les chutes, favorise chez les autres les relèvemens. Mais la vérité historique s’accommoderait mal d’un classement trop exclusif. Combien débordent hors du cadre et apparaissent avec une physionomie si changeante qu’on ne sait où les fixer ! Sur toutes ces âmes de prêtres, la philosophie du siècle a déposé une couche d’idées incohérentes, et ils ne savent pas assez ce qu’ils doivent croire pour savoir tout à fait ce qu’ils doivent faire, ni surtout ce qu’ils sont tenus de braver. En beaucoup d’entre eux, il y a quelque chose de léger dans l’esprit, d’emphatique dans le langage, de terne dans la bonté, d’indécis dans la doctrine, de débile dans la croyance ; aussi arrive-t-il que sur le livre de leur vie, ils inscrivent un peu pêle-mêle des actes de lâcheté, des actes de courage. On est réduit à noter les uns et les autres au jour le jour, sans parvenir à reconstituer en ces existences déviées l’unité de la conduite et de la foi. Gouttes, évêque d’Autun, dans le diocèse duquel plusieurs prêtres insermentés ont été massacrés à Couches, ne trouve pas un mot de flétrissure pour l’attentat, pas un mot de pitié pour les victimes : voilà la lâcheté. Cependant ce même Gouttes part, au début de 1793, en tournée pastorale et, chemin faisant, n’hésite pas à flétrir les excès de la Convention : voilà le courage, et le courage méritoire ; car ces paroles, recueillies par un délateur, lui coûteront plus tard la vie. — Lamourette, le plus larmoyant des hommes, en a été aussi le plus cruel : ainsi s’est-il manifesté le jour où il a demandé que la Reine fût séparée du Roi et de ses enfans. Pourtant, ce même Lamourette à Lyon prendra bientôt parti pour les modérés, s’enhardira jusqu’à les louer publiquement, et par cette conduite amassera sur lui des haines qui le conduiront jusqu’à l’échafaud. — Fauchet, évêque du Calvados, a été naguère le dénonciateur énergumène des insermentés ; il est aujourd’hui ardent à défendre ce qui reste de discipline dans la société religieuse. — Barthe, évêque du Gers, Périer, évêque du Puy-de-Dôme sont membres de l’administration départementale. Ils n’ont pas osé se séparer de leurs collègues et se sont associés à leurs adresses, soit pour la suspension du pouvoir royal, soit pour le jugement de Louis XVI : voici qu’ils se ressaisissent, et au point de mériter bientôt la persécution.

On se perdrait à marquer les contradictions, tant les