Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leurs ministres n’ont aucun compte à tenir des droits inexistans ou des vaines aspirations des peuples ; ils disposent d’eux souverainement, sans les consulter, dans leurs tractations entre monarques. La politique ne regarde que les souverains et leurs conseillers ; le reste des hommes constitue la paie avec laquelle on brasse la politique, dans laquelle on taille et on tranche sans scrupules. François-Joseph est un disciple politique de Metternich, un produit du « système. » Si l’on fait quelquefois appel à la bonne volonté des peuples, comme la coalition le fit de 1813 à 1815 contre Napoléon, comme nos ennemis le font aujourd’hui contre nous, ils n’y gagnent rien qu’un régime plus autoritaire et plus oppressif. Lorsque François-Joseph accordera à ses sujets des extensions du droit de suffrage, il le fera dans son intérêt, pour l’avantage de la Couronne et de la dynastie ; il n’y verra pas une concession à un droit quelconque de ses peuples. Jamais François-Joseph ne s’est élevé au-dessus des conceptions de la Sainte-Alliance et de la Politique des Cabinets qu’il avait apprise et pratiquée dans sa jeunesse.

Autour de François-Joseph enfant, vieillissent, à la cour de son grand-père et de son oncle, les anciens soldats des grandes guerres napoléoniennes, et grandissent leurs enfans ; ceux-ci sont nés au milieu du bruit des armes ; leur sang bouillonne au récit des grandes luttes. Schonbrünn est encore rempli du souvenir, moins abhorré peut-être qu’envié, de Napoléon. Toute sa vie, François-Joseph a gardé près de lui, dans son cabinet de travail, une miniature qui le représente, tout petit, sur les genoux de l’Aiglon ; il tenait beaucoup à ce souvenir, comme s’il se sentait rattaché par l’humble image à la grande épopée. Cette génération des épigones frémissait d’impatience et attendait le réveil du canon. A quatre ans, François-Joseph s’amusait à faire manœuvrer des grenadiers ; toute sa vie il a gardé le goût de son enfance pour les grandes parades militaires ; la guerre lui apparaissait comme un phénomène naturel de l’activité des rois, comme la solution normale des difficultés politiques.

À ces impressions d’enfance il faut joindre les circonstances de son avènement au trône. François-Joseph n’oublia jamais à quel moment et dans quelles conditions il reçut la charge de la couronne. La révolution triomphait à Vienne ; la Hongrie était