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pas donner cette prime « à l’ambition qui s’élève sur l’assassinat ; » enfin, l’envoi au Mexique d’un mandataire confidentiel de la Maison-Blanche, chargé d’imposer au général Huerta la volonté de M. Wilson : à savoir sa retraite définitive et sans conditions.

Voilà dans quelles conditions les O’Shaughnessy arrivaient au Mexique. C’était d’ailleurs pour eux une reprise de contact. Une précédente campagne les avait déjà familiarisés avec les questions mexicaines, avec leurs multiples aspects et leurs solutions possibles. Ils étaient suffisamment pénétrés de l’esprit de leur carrière pour avoir, dès le début, sans aucun sacrifice pour leur légitime patriotisme américain, apprécié les solutions adoptées, les unes une fois pour toutes, les autres tour à tour, par le nouveau président, M. Woodrow Wilson, et par son collaborateur d’alors, M. Bryan. Enfin, pour parler franc, ils étaient en désaccord sur plusieurs points avec la politique de la Maison-Blanche. Que signifiait le maintien, pendant six mois, d’une ambassade (c’est-à-dire de la plus haute expression des rapports diplomatiques), auprès d’un régime dont on s’était déclaré, dès sa naissance, l’implacable ennemi ? Que signifiait, après le rappel de l’ambassadeur, l’envoi d’un chargé d’affaires concurremment avec un agent « confidentiel, » sans qu’on sût, de ces deux frères siamois, comme les appelle drôlement notre auteur, lequel devait être subordonné à l’autre, lequel incarnait la vraie politique de Washington ? S’il n’y avait qu’une seule politique, à quoi bon ce double, emploi ? Et s’il y en avait deux, était-il prudent pour le gouvernement de Washington de les afficher ? Autant de questions qui étaient déjà des critiques…

Quoiqu’il en soit, dès l’arrivée du jeune ménage à Veracruz, et dès sa rencontre avec l’envoyé en question, M. Lindt, l’opposition entre les deux manières de voir se laisse pressentir. « La conversation, écrit Mme O’Shaughnessy, s’ouvrit par des remarques conciliantes, sourire aux lèvres, — comme dans les consultations d’experts qui prennent leur premier contact. Malgré un je ne sais quoi de lincolnesque dans la silhouette et l’allure de M. Lindt, je ne pouvais m’empêcher de songer au vin nouveau versé dans un vieux baril, et à tout ce que nous dit là-dessus l’Écriture… » Presque au lendemain de l’installation du ménage américain à Mexico, Huerta accomplissait d’ailleurs son fameux coup d’Etat. La dissolution de la Chambre