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et en Herzégovine où les grands propriétaires se firent turcs pour garder leurs terres. On raconte qu’un jour François-Joseph, après les élections de 1891 où les Jeunes-Tchèques triomphèrent, reçut en audience les principaux chefs du parti ; ces roturiers une fois congédiés, le monarque dit avec dédain : « Voilà une singulière compagnie[1]. » Le mot fut répété, et les Tchèques s’en sont fait, comme autrefois les gueux de Belgique, un titre d’honneur.

Rien n’est plus caractéristique à étudier que les relations de François-Joseph avec la Bohême : les procédés de son gouvernement s’y montrent à nu. Quand, en 1848, en même temps que Vienne, Prague dressait des barricades et revendiquait des libertés, elle tendait déjà à obtenir une constitution pour le futur État tchèque autonome, mais cette idée s’alliait à un sincère loyalisme vis-à-vis de la Maison de Habsbourg. C’est le temps où Palacky disait : « Si l’Autriche n’existait pas, il faudrait l’inventer ; » mais, en même temps, le grand historien se mettait à la tête du mouvement national pour demander à l’Empereur de se faire couronner roi de Bohême et de reconnaître ainsi à la Bohême son droit historique d’être un État et non pas une simple province. Une première fois, le 15 avril 1861, une députation tchèque porte à l’Empereur l’expression de ces vœux ; François-Joseph répond : « Je veux me faire couronner à Prague comme roi de Bohême, et je suis convaincu qu’ainsi un nouveau lien de fidélité et de confiance sera établi entre mon trône et le royaume de Bohême. » Nouvelle démarche solennelle en 1865 : la diète de Prague vote une adresse qui est remise à l’Empereur le 29 décembre. Il y répond : « Je me prépare avec joie pour le moment où le succès de notre grande œuvre m’amènera dans l’ancienne et célèbre ville de Prague pour effectuer, suivant le droit et la tradition sacrée, l’acte du couronnement au milieu de mes fidèles Tchèques. Assurez la diète de ma parfaite faveur et grâce impériale. » Survient la guerre de 1866 ; les généraux prussiens déclarent que la Prusse victorieuse restaurera l’indépendance de la Bohême, mais la Bohême ne se laisse pas tenter. François-Joseph l’en récompense en concluant avec les Magyars le « compromis » de 1867, qui organise le dualisme, c’est-à-dire qui

  1. Das ist eine sonderbare Gesellschaft.