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Virton-La Marne, ne fait que confirmer par son témoignage le sentiment de l’armée entière. L’incident se passe à Houdrigny-Virton : « Les avions allemands ont déployé une grande activité pendant toute cette journée, signalant les objectifs aux artilleurs en laissant tomber des fusées. Par contre, pas un appareil français, du moins dans notre secteur, ne s’est montré… » Quelles que soient les raisons que l’on apporte pour expliquer cette infériorité momentanée d’une arme que l’on avait crue essentiellement française, l’armée eut cette impression. Partout, c’est le même cri : « Encore les avions boches ! » Et on cherche dans le ciel les avions français qui n’apparaissent pas. Pour le réglage des tirs d’artillerie, le résultat est désastreux. À peine une formation française est-elle en position qu’un avion la survole ; il fait un signal et les obus arrivent : le travail contraire se fait rarement. Ici encore, la préparation allemande a pris de l’avance.


De l’ordre tactique et de la nature du pays. — Le sort de la « Bataille des Ardennes » fut particulièrement influencé par la nature du terrain : elle fut éminemment une bataille de sous-bois. Routes peu nombreuses et mal percées, issues difficiles, défilés redoutables, vues insuffisantes, peu de découverte, et, par-dessus tout, liaisons extrêmement laborieuses.

L’art militaire connaît la manœuvre en plaines, la manœuvre en pays accidenté, même la manœuvre en montagnes ; il s’est peu occupé de la manœuvre sous-bois. Peut-être un génie créateur eût-il su appliquer, à ces conditions exceptionnelles, une méthode spéciale et des combinaisons imprévues. Il faut bien reconnaître que cette sorte d’ingéniosité sans parler des intuitions du génie ne paraît pas s’être révélée, ni dans un camp ni dans l’autre, au cours de la « Bataille des Ardennes. » Les deux forces marchèrent l’une contre l’autre et s’étreignirent dans des combats de rencontre qui furent surtout de terribles corps à corps.

Cependant, même pour ces duels de choc, les armées françaises furent dès le début en mauvaise posture. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la carte et sur la distribution des forces françaises à l’égard des forces allemandes, la veille des engagemens, pour remarquer que le tracé de la frontière impose aux premières une disposition en oblique Nord-Ouest — Sud-Est.