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libérales obtiendraient des satisfactions à la faveur de la rivalité austro-prussienne ; même la défaite de l’Autriche leur semblait souhaitable, car elle l’obligerait à des concessions, tandis que sa victoire serait le signal d’un retour à l’absolutisme.

Le calcul était juste : les événemens n’allaient pas tarder à le montrer. Déjà en 1864, dans l’affaire des Duchés, l’Autriche apparaît à la remorque de la Prusse pour l’écrasement du vaillant petit peuple danois : mauvaise action et mauvaise politique, d’où Bismarck eut l’art de faire sortir le conflit qu’il cherchait, mais que le roi Guillaume, respectueux de la grande ombre impériale, n’osait provoquer. Attaqué par l’Italie au Sud, par la Prusse au Nord, François-Joseph, prévoyant sa défaite, se préoccupa d’abord d’en épargner la honte à sa Maison ; il envoya l’archiduc Albert cueillir à Custozza la victoire préparée par Benedek, tandis qu’il imposait à l’infortuné Benedek le commandement de l’armée de Bohême auquel il n’était pas préparé et qu’on ne lui laissa même pas la liberté d’exercer selon ses vues. Après Sadowa, la partie était loin d’être désespérée pour l’Autriche et ses alliés ; mais François-Joseph se reconnut vaincu et traita. L’Autriche fut exclue des affaires allemandes ; la Confédération germanique s’organisa sans elle.

Ce fut l’effondrement de tous les grands rêves impériaux, la fin de la politique traditionnelle qui, depuis le XIIIe siècle, avait donné à la Maison de Habsbourg, avec l’Empire, la prédominance en Allemagne. François-Joseph ne se résigne pas à une telle déchéance. Toute son attention se tourne vers les événemens d’Allemagne. Il choisit pour chancelier un Saxon, le comte de Beust, et se prépare, par des concessions à l’intérieur de la monarchie, à reprendre la lutte contre la Prusse. C’est l’origine et l’explication du système dualiste inauguré par le « compromis » de 1867.

Nous touchons ici au point critique du règne. L’Empereur, pénétré du sentiment de sa responsabilité vis-à-vis de sa Maison, poursuit sa politique de revanche contre la Prusse pour la restauration de la suprématie des Habsbourg en Allemagne. Peu de temps après le traité de Prague, il fait venir Deak et lui demande un exposé des conditions hongroises ; la négociation est rapidement conduite par Beust, qui ignorait tout des affaires intérieures de la monarchie, et par Deak, qui était avant tout un patriote hongrois. On a le droit de dire aujourd’hui, à la