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d’une revanche sur la Prusse est si vif qu’il entre en pourparlers avec Victor-Emmanuel en 1869 et lui laisse entrevoir que le Trentin pourrait être le prix de sa participation a une coalition contre la Prusse. Avec la France des négociations sont suivies activement, et l’histoire a reproché justement à Napoléon III de n’avoir pas su les faire aboutir en temps utile. L’obstacle à l’alliance projetée venait d’une part de la question romaine, qui retenait l’Italie dans l’orbite prussienne où elle évoluait depuis qu’elle y avait gagné Venise, d’autre part des tendances personnelles de Napoléon III à qui l’unité allemande sous l’hégémonie prussienne ne paraissait pas receler un péril prochain et qui ne se sentait point d’affinités avec le caractère et la politique de l’empereur d’Autriche.

Cette histoire a été écrite, les documens publiés. Nous n’en pouvons retenir ici qu’un fait, c’est que François-Joseph et Beust souhaitèrent la victoire française et regrettèrent amèrement que les conditions dans lesquelles Bismarck eut l’art et la fourberie de faire déclarer la guerre par Napoléon III, ne leur permissent pas de prendre part aux hostilités. Sur les pensées intimes et les désirs de François-Joseph, nous sommes en mesure d’apporter un témoignage inédit qui, s’il ne modifie pas ce que l’histoire sait déjà, montre du moins les sentimens de l’Empereur sous un jour favorable. Au mois d’août 1870, tandis que la diplomatie française travaillait à obtenir l’alliance de l’Autriche intimement liée à celle de l’Italie, il y avait à l’ambassade de France à Vienne un jeune et brillant secrétaire auquel de lointaines alliances de famille avec le comte de Beust avaient créé une situation un peu privilégiée ; François-Joseph lui témoignait quelque bienveillance et le chargé d’affaires, nouvellement arrivé et peu connu à Vienne, lui confiait souvent des démarches délicates. Vers le 15 août, après nos premiers revers, arrivaient de Paris des télégrammes pressant l’ambassade d’obtenir une réponse décisive. M. de X… alla donc trouver le comte de Bellegarde, premier aide de camp qui, à peine entré, lui dit : « Voulez-vous voir l’Empereur ? — Volontiers, s’il veut me recevoir. » « Quelques instans après, — nous donnons le témoignage même de M. de X… — il me fit entrer auprès de François-Joseph. Il allait et venait dans son cabinet, le visage anxieux. En quelques mots, je lui démontrai l’urgence des secours qu’il nous faisait espérer. Il m’interrompit vivement