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s’arrêtèrent ; ce fut le cas de la ligne Malaga-Cadix dont le Conseil d’administration était belge ; d’autres, comme la compagnie du Sud de l’Espagne, virent certaines branches de leur trafic réduites de 80 à 90 pour 100, parce que les mines de leurs réseaux cessaient d’être exploitées par suite du manque de navires ou de la cherté des frets.

Aux États-Unis, la même cause fit frapper d’« embargo » par les chemins de fer congestionnés toutes les marchandises, sauf celles de nature périssable ; il y eut un moment cet hiver, sur les grandes lignes à destination de New-York, 45 000 wagons en attente de déchargement. Cet encombrement n’était pas uniquement dû à la rareté des bateaux dont témoignait le taux décuplé de certains frets sur l’Atlantique ; détail curieux : sur le Pacifique les cours, sauf pour l’acier, n’ont pas subi une hausse correspondante. De Californie en Chine, on paie seulement le quintuple pour le cuir, le triple pour les machines agricoles, le double pour le cuivre ou le lard. La farine, dont le fret a sextuplé de New-York à Liverpool, a seulement triplé de Seattle à Hong-Kong ; de sorte que ce dernier trajet, qui coûtait 40 pour 100 de plus, coûte maintenant 30 pour 100 de moins que l’autre.

Le développement de l’exportation des États-Unis vers l’Europe suffit à expliquer cette différence. « Beaucoup de produits, observait récemment le chef du bureau commercial à Washington, que nous importions d’Europe il y a deux ans, sont maintenant fabriqués par des maisons américaines, lesquelles ont constaté, à leur grande surprise, qu’elles pouvaient les établir à meilleur marché que les usines européennes. De là une vraie révolution dans la situation économique de notre pays qui se trouvera tout autre après la guerre. »

En attendant que les routes du commerce mondial soient changées, comme on l’annonce, les Américains du Nord prennent leurs précautions pour se créer des outils de transport maritime. Durant les douze mois de juillet 1913 à juin 1914, ils avaient importé huit fois plus de marchandises sous pavillon étranger que sous leur pavillon national ; c’est dire qu’ils ne possédaient guère de bateaux de commerce. État de choses qui remonte à une quarantaine d’années ; les constructions navales ont succombé en Amérique de 1860 à 1890 sous l’excès d’une protection qui semblait devoir les favoriser, et la rigueur des conditions imposées aux navires pour avoir droit au pavillon