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qui atteignait 50 pour 100, le gouvernement a édicté un maximum ; mais son intervention, en qualité de gros acheteur, contribue à le rendre illusoire. Pour les mêmes motifs, l’Angleterre, grande consommatrice de bois étrangers, a payé sa provision annuelle 185 millions de francs de plus qu’avant la guerre ; les produits chimiques et les métaux, tels que cuivre, plomb et zinc, lui ont coûté 525 millions plus cher.

Le revenu privé des Anglais, c’est-à-dire leurs recettes globales, compris les salaires et bénéfices de toute nature, était estimé en 1913 à une cinquantaine de milliards de francs, sur lesquels 6 milliards au moins d’épargne se transformaient en capitaux productifs à leur tour, tels que maisons, chemins de fer, bateaux, manufactures, etc. Depuis deux ans, la Grande Bretagne a vendu des milliards de valeurs américaines, mais elle a acquis des créances sur la Russie, la France, l’Italie et plus encore sur elle-même, puisque ses emprunts ont été souscrits presque en totalité par ses nationaux. Ceux-ci ont vu leur portefeuille réduit par la baisse de la plupart des titres cotés en bourse ; fût-il demeuré le même que la nation aurait perdu tout ce dont l’Etat s’est endetté pour la guerre, et les Anglais doivent fournir comme contribuables l’intérêt des sommes qu’ils ont prêtées comme capitalistes.

De ce chef, ils supportent une charge qui, pour les plus riches d’entre eux, atteint la moitié de leur revenu ; riches ou pauvres, ils supportent aussi, par suite de la cherté de la vie, une forte augmentation de dépenses. Cependant l’Angleterre, abstraitement considérée, souffre moins que les autres belligérans, puisqu’elle n’est pas envahie ni bloquée et, bien qu’elle dépende de l’importation pour son existence, elle encaisse elle-même les frets sur ce qu’elle achète au dehors.


IV

La Russie, dans une situation inverse, ne manque d’aucune denrée de première nécessité. Si ce n’était que l’argent lui fait défaut parce qu’elle ne peut vendre ses excédens de récolte et que son peuple est pauvre, sa condition physique, l’étendue de son territoire, lui rendrait le blocus peu sensible ; et sa condition économique est telle que la suppression du commerce avec l’Allemagne équivaut à une espèce d’affranchissement, en la