Un fait considérable vient de se produire. Le samedi 3 février, le Président Wilson a déclaré rompues les relations diplomatiques des États-Unis avec l’Empire allemand. Rien de plus pour le moment, mais rien de moins ; et il n’en faut pas davantage pour que, depuis la résolution prise par la Grande-Bretagne le 4 août 1914, il ne se soit point accompli d’acte plus important. Comment cet acte a-t-il été amené, par quel enchaînement de circonstances, quels en ont été les motifs, quelles en seront les conséquences probables ou possibles, c’est ce que, soit pour en bien dégager le caractère, soit pour en bien estimer la valeur, il ne sera sans doute pas inutile de montrer. Si près des événemens, et de si grands événemens, la seule manière qu’il y ait, non d’écrire, mais de préparer « l’histoire politique, » et par-là de nous acquitter d’une tâche qui devient de plus en plus difficile, n’est-elle pas d’essayer d’en donner, sur le vif, une bonne et fidèle analyse ?
La quinzaine dernière s’était en quelque sorte close par le message de M. Wilson au Sénat de Washington. Tel que ce document nous permettait de nous représenter, à la fin de janvier, l’état d’esprit du Président, nous l’avions laissé occupé uniquement de la paix, y pensant sans relâche, l’appelant de ses vœux, tout prêt à l’appeler de ses efforts, organisant en imagination une société des nations où, sous la protection commune et dans la foi jurée, l’agneau vivrait comme s’il n’y avait pas de loup, et, pour tout dire, rêvant un peu, à notre avis. Mais, comme ces rêveries sont de celles par lesquelles, au long des âges, l’humanité a réalisé les rares et faibles progrès dont elle peut s’enorgueillir, il n’y avait, au bout du compte, qu’à ne pas les interrompre, qu’à s’incliner avec respect, et à passer. C’est en